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1966' Grand Prix movie - 3 - Spa Francorchamps

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« Sais-tu ce qu'il y a de particulièrement beau dans une voiture ? Quand elle ne marche pas bien, on peut la démonter entièrement, mettre ses organes à nu, découvrir la cause précise du mal et ôter la pièce défectueuse pour la remplacer par une neuve.

Si on pouvait en faire autant pour les humains...»

- Voir aussi:  1966' Grand Prix movie - Ouverture

- Voir aussi:  1966' Grand Prix movie - 1 - Monaco

- Voir aussi:  1966' Grand Prix movie - 2 - Charade

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john surtees,spa-francorchamps▀▄▀▄▀▄▀▄▀▄▀▄▀▄▀▄▀▄▀▄▀▄▀▄▀▄▀▄▀▄▀▄▀▄▀▄▀▄▀▄▀▄▀▄▀▄▀▄▀▄▀▄▀▄▀▄▀▄▀▄▀▄▀▄▀▄▀▄

par Francis Rainaut

Un opéra wagnérien :

Vue sous un certain angle, le Grand Prix de Belgique 1966 prend un peu des allures d’opéra wagnérien, on pense plus particulièrement au « Vaisseau fantôme ». Et si l’on ajoute que dans la première version de cet opéra - celle de Paris – les personnages sont des Écossais et non des Norvégiens, la similitude est encore plus frappante. Il faudrait un jour demander à Sir Jackie son « point of vue » sur la question.

Et c'est cette ambiance d’épopée apocalyptique qui est parfaitement restituée par les images de Frankenheimer, permettant par la même à Grand Prix d'accéder au rang de classique de la course auto au cinéma. Songez que dans le premier tour du Grand Prix, pas moins de huit pilotes, soit plus de la moitié de la grille (1) sortirent plus ou moins violemment de la route (2).

(1)    McLaren sur McLaren M2B Serenissima, Amon sur McLaren M2B Ford, Arundell sur Lotus-BRM H16,  Vic Wilson (?) sur une BRM P261 du Team Chamaco-Collect, et Hawkins sur une Lotus 25 Climax du Team Parnell n’ont pas pu prendre le départ.

(2)    Stewart, Bonnier, Spence, G.Hill, Clark, Bondurant, Hulme et Siffert.

spa2.JPG

 

Stewart et la sécurité :

Ce qui est également certain, c’est qu’au niveau de la sécurité, il y a eu un avant et un après Spa 1966. J’ai récemment été revoir Grand Prix lors d’une projection privée dans un cinéma du Quartier latin; une chose m’a frappée, lorsque la pluie, ou plutôt le déluge arrive sur le circuit de Spa-Francorchamps, on aperçoit des F1 dans tous les sens, notamment la Cooper-Maserati de Bonnier. Et bien pas mal de spectateurs  - pourtant avertis – pensaient que tout cela n’était que du cinéma !

La scène obsédante où Jean-Pierre Sarti sort de la route après une (improbable) défaillance mécanique et où il tue deux jeunes spectateurs fut  tournée pendant le week-end de course. Une scène tragique – The Cruel Sport dont parlait justement Robert Daley - mais n'étant pas hélas l'apanage de la pure fiction pendant cette période du sport automobile.

Lors de son accident Bonnier fut précipité à travers la fenêtre d’une ferme, fort heureusement il s’en tira avec des blessures superficielles.

john surtees,spa-francorchamps

Jackie Stewart, Graham Hill et Bob Bondurant sortirent de la route presqu’en même temps. Tandis que Hill s’en sortait indemne et Bondurant avec seulement quelques coupures et contusions, Stewart fut confronté à une situation autrement plus périlleuse. Il se retrouva piégé dans sa monoplace, qui avait basculé dans un fossé, avec une épaule cassée et des côtes fêlées. Mais, pire encore, l’essence fuyant du réservoir endommagé s’écoulait sur lui. On peut facilement imaginer les instants de terreur que Jackie était en train de traverser.

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Il n’y avait aucun commissaire pour aider l’ Ecossais à sortir de là, ni bien sûr pas la moindre équipe médicale présente sur le site. Et ce furent finalement ses condisciples Hill et Bondurant qui le tirèrent de là - grâce à la trousse à outils d’un spectateur - ce qui ne prit pas moins d’une demi-heure ! Imaginez un instant que le feu se soit déclaré, c’est un véritable drame qui se serait produit.

Une fois extrait de sa BRM, Stewart fut installé à l’arrière d’une camionnette en attendant qu’une ambulance arrive. Il fut alors conduit au centre de premiers soins du circuit, pour attendre une deuxième ambulance chargée de l’emmener vers l’hôpital local. Mais celle-ci se perdit en cours de route (!) et Jackie fut finalement transporté vers le Royaume-Uni dans un jet privé, afin d’y recevoir des soins médicaux.

Cet incident devait conduire Stewart à se faire un ardent - et parfois impopulaire - défenseur de la sécurité sur les circuits.

I would have been a much more popular World Champion if I had always said what people wanted to hear. I might have been dead, but definitely more popular…” dira plus tard Jackie, en ne plaisantant qu’à moitié.

 

L'éclosion de Jochen Rindt :

1966_spa-francorchamps__jochen_rindt__cooper_t81_.jpg

Cette course est également marquée par la révélation du talent du pilote autrichien, considéré un peu jusque là comme un jeune chien fou. Après le carnage du premier tour, il ne restait au tour suivant qu’un nombre dérisoire de sept monoplaces, avec en tête John Surtees devant son équipier Lorenzo Bandini puis les Cooper de Richie Ginther et de Jochen Rindt. Des quatre  c’était le dernier nommé, le génial Rindt, véritable funambule sous la pluie, qui avait le rythme le plus impressionnant. L'Autrichien manifestait clairement son intention de prendre le commandement de la course.

De fait cela ne lui prit que quelques tours pour passer Ginther, Bandini et Surtees et conquérir la première place, Jochen put alors commencer à rêver à sa première victoire en F1 (3).

Mais alors que le circuit commence à sécher, c’est aussi le moment que choisit le différentiel autobloquant de la Cooper pour casser ! Et dès lors le rythme de Rindt faiblit, la victoire penche à nouveau pour le camp Ferrari. Au 24e tour (sur 28, c’était sur l’ancien circuit de 14 km) Surtees reprend le commandement et réussit dès lors à creuser un écart de 40 secondes pour remporter confortablement ce qui restera son ultime victoire pour la Scuderia.

(3)    Cette chevauchée fantastique n'est pas sans rappeler celle effectuée à Rouen deux ans plus tard par un jeune prodige belge mais aussi celle réalisée à Monaco par un jeune Brésilien tout aussi prometteur, quelques dix-huit ans après.

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Epilogue belge :

Devant les caméras, c'est en définitive le revenant Pete Aron sur la Yamura qui franchit la ligne d’arrivée en vainqueur. Sans le savoir, Jean-Pierre Sarti, pourtant bien parti pour remporter sa 3eépreuve d’affilée, commence tout juste à emprunter  son « highway to hell ». La cote d’Aron, elle, remonte d’un seul coup. On verra ce qu’il sait faire à Zandvoort, pense Stoddard, dubitatif...

Alors Pete Aron, cela ne vous rappelle vraiment personne ? Mais si voyons, Eddie Irvine, le « bad boy » devenu opportunément en 1999 un concurrent sérieux pour le titre de champion du monde...

F-412P-Lola-AM.jpg

Une semaine plus tard, Surtees claque violemment la porte de la Scuderia, à l'issue d'une énième altercation avec son directeur sportif Eugenio Dragoni, le même qui lui a refusé la 246 V6 à Monaco, enfin le méchant de l'histoire, quoi.

Selon certaines sources (4), Dragoni suspectait Surtees de divulguer des informations confidentielles concernant la P3 à son ami Eric Broadley en train d'élaborer sa Lola T70 sport-prototype. Il s'en serait ouvert au Commendatore, lequel aurait demandé à son bras droit Franco Gozzi de vérifier ces informations. Mauro Forghieri confirmera cette version (5), à une nuance près ; ce serait Enzo Ferrari lui-même qui aurait eu des soupçons sur Surtees, et donné des instructions à Dragoni pour qu’il rende la vie impossible au champion anglais, ceci afin de provoquer la rupture (!).

La suite est connue, il serait intéressant de savoir dans quelle mesure elle a influencé le scénario définitif de Grand Prix.

Mais ceci appartient à l’épisode final, il reste encore beaucoup de courses à raconter.

(4)   Sergio Cassano, « Piloti and Gentiluomini, Gli Eroi Italiani della Ferrari »

(5)   Mauro Forghieri, « La Ferrari secondo Forghieri »

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Illustrations:

- 1a & 1b ©DR

- 2b: BRM de Bondurant  (pseudo Yamura) ©DR

- 3: Siffert, Spence et Bonnier observant la course ©DR

- 4a & 4b: Cooper de Bonnier, Lotus de Spence & BRM de Stewart ©DR

- 5a & 5b: Rindt dans le raidillon & Surtees et Rindt avant la course ©DR

- 6a : McLaren M2A 4,5 L, voiture caméra ©DR

Vidéo:

- Extrait de Grand Prix, épisode Spa-Francorchamps ©MGM


Quatre après-midis de chien... (*)

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Il y a tout juste vingt ans, la formule 1  connut à Imola un de ses week-ends les plus noirs, perdant simultanément son  leader déjà mythique et aussi, ne l'oublions pas, un pilote autrichien prometteur et débutant, prémices d'une année sombre.

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Beaucoup se remémorèrent alors des images déjà vues douze ans auparavant en Belgique avec la disparition presque en direct du petit prince de la discipline, au sein d’une année elle aussi  passablement tourmentée.

Certains un peu moins jeunes revirent aussi les images de la tragédie ayant eu pour cadre le Parc de la Villa Reale à Monza, là encore douze ans avant Zolder, où le presque champion du monde charismatique perdit soudainement la vie, aggravant ainsi le bilan d’une année qui fut elle aussi terrible.

Enfin les plus anciens ne purent s’empêcher de se rappeler la tout aussi dramatique année 1958, avec comme point d’orgue le très richement doté Grand Prix de l’ACF à Reims qui fut fatal à un bel italien au regard ténébreux, ultime représentant de son pays dans la formule reine. Ces faits se déroulèrent une fois de plus douze ans avant Monza.

J’avoue avoir appréhendé l’année 2006. Mais au passage du XXIe siècle, le sortilège fort heureusement semble enfin avoir été rompu.

Reprenons ces quatre épisodes dans l’ordre chronologique.

(*) Réédition de la note du 30 avril 2014

 

Acte 1. 1958 - Reims, Le tout pour le tout

ayrton senna,gilles villeneuve,luigi musso,jochen rindt,roland ratzenberger,imola 1er maiLuigi Musso arrive à Reims très déterminé. Face à une paire de britanniques ligués contre lui (Hawthorn et Collins), le champion italien veut reprendre le leadership du championnat, il tient surtout à empocher la super-prime de dix millions de francs – cinq fois le montant normal - attribuée au vainqueur du Grand Prix de l'A.C.F. , la course des producteurs viticoles champenois.

Juste avant la course, Musso a reçu un télégramme de son associé Mario Borniglia, mi-sérieux mi-blagueur : « Gagnes, the IOU (la dette) doit être réglée demain ». Ses affaires d’importation de Plymouth (ou Pontiac) américaines vont mal - certains évoqueront la « Pieuvre » -  sa vie sentimentale, qu’il partage avec la belle Fiamma, est un peu compliquée, il a laissé femme et enfants à Rome et leur doit à juste titre une pension conséquente.

Bien placé sur la ligne de départ, Luigi ne tient surtout pas à se faire distancer par ce « garagiste anglais » mieux parti que lui. Survient le 9e tour (ou 10e, selon certaines sources), où Musso s’est rapproché mètre après mètre de la Ferrari de Mike Hawthorn.

 Il tente alors de mettre en pratique les conseils du grand Fangio sur la façon de prendre les virages le plus vite possible, et négocie la courbe du Calvaire complètement « flat-out » en débordant un attardé. Il perd alors le contrôle de sa Ferrari N° 2 qui s’envole dans un champ;  Musso est éjecté, tout s'est joué en un instant, c’est fini. Le pilote romain s’en est allé rejoindre son ami Castellotti, parti quelques mois auparavant seulement. L'année précédente, Musso avait gagné ici même au volant d'une Ferrari portant également le N°2.

La course ne fut pas interrompue pour autant. Il importait qu’elle eut un vainqueur, Mike Hawthorn en remportant l’épreuve pris une sérieuse option sur le titre.

Dès lors l’époque des campionissimo toucha à sa fin. Plus personne, excepté l’américain Phil Hill, n’allait pouvoir empêcher la mainmise des sujets de sa gracieuse majesté sur le championnat du monde des pilotes, jusqu’à ce qu’un autrichien talentueux...

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En cette maudite année 1958, la liste des disparus ne fera que s’allonger : Peter Collins allait se tuer un mois plus tard sur le circuit du Nürburgring, ensuite ce fut le tour de Stuart Lewis-Ewans à Casablanca dans des circonstances plutôt horribles. Le nouveau champion du monde Mike Hawthorn ne bénéficiera lui que de quelques mois de sursis.

Quant au sort de la ravissante Fiamma Breschi, le Commendatore prendra soin d'elle, mais ceci est une autre histoire qu'elle nous a elle-même racontée dans un livre intitulé « Il Mio Ferrari - Memorie di una Signora della Formula 1 ».

 

Acte 2. 1970 – Monza, Assurer la dernière levée

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Tout autre etait l’état d’esprit de Jochen Rindt en abordant la course de Monza. On pourrait le rapprocher de celui du joueur de bridge qui sait qu’il est en très bonne voie pour réussir son contrat, mais qui pour cette même raison veut absolument remporter la levée décisive de peur que la chance ne lui tourne le dos. En  se positionnant en haut du classement ici-même en Italie,  Rindt aborderait les Grand Prix de fin de saison outre-atlantique d’une façon totalement sereine.

Jochen en effet n’est déjà plus le jeune chien fou qu’il était encore quelque temps auparavant. Il a trouvé en Nina son point d'équilibre, il commence à se projeter au-delà de sa carrière de pilote, il pourrait diriger une équipe à son nom, il a déjà eu des projets avec Matra et même avec Robin Herd.

Seulement rien ne fonctionne comme prévu. Un nouveau châssis Lotus comportant de nombreuses améliorations techniques dont des freins avant repensés est prévu pour lui, c'est le 72/5. Afin de l'aider dans sa tâche, un Cosworth plein de chevaux ira avec. Las, aux essais du vendredi, le néophyte Fittipaldi chargé de dégrossir les réglages du nouveau châssis part à la faute et entre en collision avec Giunti. Exit la 72/5, Jochen conduira son habituelle 72/2.

rindt.jpgOn sait ce qu'il advint le lendemain, l'accident fut très certainement dû à la rupture de l'arbre de frein avant droit, pièce qui comportait un défaut de fabrication, aggravée par le fait que Rindt n'utilisait que des harnais quatre points au lieu de six.

J'étais présent à Monza ce 5 septembre 1970, nous nous étions, mes cousins et moi, introduits - subrepticement - dans le paddock comme nous le faisions habituellement  pour côtoyer au plus près nos héros. J'ai encore en tête l'image du Gold Leaf Team Lotus au complet parlant technique dans l' « hospitality » du Team dont la plus grande partie se trouvait alors en plein air.

Lorsque le speaker annonça la funeste nouvelle, nul besoin de parler italien pour comprendre, ce fut comme une chape de plomb qui s'abattit sur le circuit.

 

ayrton senna,gilles villeneuve,luigi musso,jochen rindt,roland ratzenberger,imola 1er maiCette terrible saison 1970 avait vu disparaître successivement Bruce McLaren, Piers Courage et maintenant c'était au tour de Jochen Rindt ! Sans même parler des deux espoirs français tués le même jour de juillet en Formule 3 à Rouen.

Nous avons malgré tout suivi la course le lendemain. Les tifosi avaient quant à eux déjà tourné la page et fêtèrent comme il se doit le succès de « l'italien » Clay Regazzoni au volant de la « Ferrari ». J'ai à ce moment-là pris quelques distances avec la course automobile et rangé au vestiaire mes rêves de devenir un jour pilote de course.

Les accidents ne cessèrent pas pour autant. Ajouté aux retraits multiples, c‘est presque la totalité de grille de départ qui fut renouvelée en l’espace de trois-quatre ans. Comme le résume parfaitement la citation attribuée à Jack Brabham, à moins que ce ne fût à Jackie Stewart, « I remember when sex was safe and motor racing dangerous ».

 

Acte 3. 1982 – Zolder, La soif de revanche

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Nous ne nous appesantirons pas sur des faits que les fans de Formule un connaissent trop bien pour qu'ils soient  détaillés ici : Gilles Villeneuve avait quitté Imola dans un réel état de fureur, dépité par ce qu’il considérait être une trahison, et bien décidé à ne plus se laisser grignoter un mètre de terrain par son encombrant équipier Didier Pironi.

Deux semaines plus tard en Belgique, il sent que son équipe le lâche, que son directeur sportif Marco Piccinini soutient le pilote français, en bref que Ferrari n’a plus la fièvre Villeneuve.

Dernière séance d’essai, Gilles est juste derrière Didier en qualifications. Dans son tour de rentrée aux stands, il fonce comme un damné, il arrive sur Jochen Mass qui s’écarte devant lui, Gilles a déjà choisi la même trajectoire, l’accident est inévitable. Le choc est terrible, la Ferrari s’envole, le pilote est éjecté, c’est déjà presque fini.

Villeneuve est celui qui ne baissait jamais les bras, en exagérant à peine on pourrait dire que par moments il torturait ses voitures, sa fin fut à l’image de son style, à fond et sans le moindre calcul.

Tout ceci ne put en aucun cas nous empêcher de vivre intensément la course derrière nos écrans. En ces temps éloignés où les Renault-elf crevaient l’écran, nulle dîme n’était perçue pour assister en direct au spectacle. Gilles était un kamikaze, voilà tout.

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L’année 1982 allait être fertile en épisodes de toutes sortes mais surtout en drames. Elle avait commencée par une grève des pilotes, suivie par le boycott de la course d’Imola par les écuries liées à la FOCA.

PalettiRiccardo.jpgAu Grand Prix du Canada le néophyte italien Riccardo Paletti disparût à son tour ; arrivant à pleine vitesse après le signal du départ, il ne put éviter la Ferrari de Didier Pironi placée en pole qui avait calée.

Peu de temps après Didier devait payer un lourd tribut à sa passion. On se réjouissait déjà de voir un français devenir enfin champion du monde. Comme Rindt quelques années avant, Didier ne voulut pas laisser la moindre part au hasard. Il partit sous la pluie lors des essais tenter de régler sa Ferrari dans l'hypothèse où les conditions seraient restées humides pour la course. Plus jamais Pironi ne participera à une course de Formule 1, il gardera de sérieuses séquelles de son crash, quant au titre de champion du monde…

Cet accident marqua le début d’une longue période de disette pour la Scuderia. On commençait à penser que l’écurie avait fait sien l’adage attribué à Coubertin « l’important c’est de participer ». Et ce n’est qu’après l’arrivée de Jean Todt suivie peu de temps après par celle du bien nommé « Baron rouge » que les choses évoluèrent.

 

Acte 4. 1994 – Imola, Un mauvais pressentiment

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En 1994, la saison de Grand Prix débuta de façon étrange, rien de ce qui devait immanquablement arriver ne se produisait. La super star Ayrton Senna Da Silva, libérée de son plus grand rival Alain Prost et ayant récupéré le volant de l’invincible double championne du monde Williams-Renault n’aurait dû faire qu’une bouchée de tous ses adversaires, risquant par là même de semer l’ennui sur les courses à venir. Certes on comptait bien sur le jeune Michael Schumacher pour mettre un peu d’animation, mais il ne risquait pas de marcher sur les plates-bandes de « Magic Senna ». C’était du moins l’avis de la majorité des spécialistes. En quoi on se trompait.

On eut un premier démenti dès les premiers Grand Prix, celui du Brésil puis celui du Pacifique où Ayrton est, disons-le,  « dominé » par le jeune allemand. Pire, il aborde Imola sans un seul point au compteur.

Roland-Ratzenberger.jpgLe week-end du 1er mai démarre de façon violente. Aux essais déjà Rubens Barrichello effectue une cabriole terrifiante, les images des télévisions nous font peur, il se passe un certain temps avant que l’on puisse être rassurés sur l'état du pilote brésilien « junior ». Roland Ratzenberger n’aura pas cette chance et n’accédera à la notoriété qu’en y laissant sa vie, comment oublier ces images d’un casque aux couleurs autrichiennes ballotté dans l’élégante Simtek bleue ?

1994-Senna_Watkins.jpgDes bruits dans le paddock disent que Senna ne veut plus participer a cette épreuve, qu'il n’a plus la « grinta ». Le professeur Watkins lui suggère de partir à la pêche. Quoiqu’il en soit Ayrton a un mauvais pressentiment.

Inutile de vous raconter la course du lendemain dont les images sont encore gravées dans toutes les mémoires. Seulement pour ajouter que comme pour l’accident de Rindt, c’est encore un tube en métal creux qui a cédé, ce qui aurait pu avoir des conséquences beaucoup moins dramatiques si un petit morceau de métal provenant de la suspension n’avait pas traversé le casque jaune.

De fait, cette course marqua la prise de pouvoir de celui que personne ne surnommait encore  « le Baron rouge ». La question devenant alors : qui pour s’opposer à Schumacher ? Nous sortions juste de l’ère « Prost vs Senna », nous n’avions pas encore ajusté nos repères, pour cela il nous faudra attendre dix ans.

Quinze jours après ce week-end tragique se déroula le Grand Prix de Monaco. Aux essais Karl Wendlinger percuta les barrières à la chicane du port avec une force inouïe. Ce nouveau drame plongea un peu plus la Formule 1 dans la torpeur, on crut que plus jamais le cauchemar ne s'arrêterait. Le pilote Sauber devait rester 19 jours dans le coma, plus deux semaines en état de « sommeil provoqué ». Mais les dieux de la course décidèrent alors de l'épargner.

Cette fois les nuages noirs avaient bien voulu s'éloigner. Depuis, et grâce aux actions menées en faveur de la sécurité, on ne compte plus les disparus mais plutôt les miraculés.

Et c'est beaucoup mieux ainsi.

Signé Francis Rainaut

ayrton senna,gilles villeneuve,luigi musso,jochen rindt,roland ratzenberger,imola 1er mai

 - Photo 2: Luigi Musso, Fiamma Breschi ©Life

 - Photo 6: Piers & Sally Courage ©HISTORIC RACING

 - Autres photos: ©DR

 - Autres photos: ©DR

Haute performance : l'aérodynamisme

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On a évoqué il n'y a pas longtemps (1) l'arrivée des ailerons sur les monoplaces et autres sport-prototypes, vers la fin des années soixante.

Mais les préoccupations d'ordre aérodynamiques des concepteurs de bolides sont bien antérieures à cette époque, on peut affirmer sans risque de se tromper qu'elles datent de l'élaboration des premiers véhicules de record.

Il suffit pour s'en convaincre de se plonger dans une passionnante étude technique sur le sujet, article paru il y a près de cinquante ans dans la revue « Champion ». Cette étude, qui comprend une interview de l'ingénieur aérodynamicien Marcel Hubert, est signée Jean-Pierre Zachariasen, nous la publions ici en fac-similé.

(1) Voir aussi: Comme un avion sans aile - 1 - P142, la BRM secrète

alpine,cd,ford j,chaparral,marcel hubert

La fameuse « J-car » aux essais du Mans. Contrairement à ce qu'on pense, les grosses voitures puissantes auraient avantage à être très efficaces sur le plan aérodynamique. Elles sont en effet seules capables d'atteindre les hautes vitesses où les qualités d'un profilage se font vraiment sentir.

 

Le souci des premiers constructeurs d'automobiles était surtout d'obtenir de leurs moteurs un fonctionnement aussi régulier que possible. Lorsque ce résultat, quasi-miraculeux, était atteint, il n'était pas nécessaire pour que la voiture roule convenablement, qu'elles présente des qualités aérodynamiques satisfaisantes. Les très faibles vitesses de l'époque ne motivaient aucun profilage des formes, et celles-ci présentaient dans l'ensemble des liens de parenté évidents avec les véhicules hippomobiles. A vrai dire, les nécessités d'un profilage efficace ne se font pas sentir au-dessous de 100 km/h. Mais sitôt que des allures plus élevées furent possibles, on se rendit à l'évidence qu'une forme plus étudiée, mieux fuselée, de la caisse, améliorerait d'autant les performances de la voiture, tout en conservant une puissance égale. Les pionniers de l'automobile furent surtout des mécaniciens: ils avaient une connaissance assez restreinte des phénomènes relatifs à la pénétration des corps dans l'air.

 
Ce qu'on appelle « aérodynamique » en automobile, est une application pratique d'une branche extrêmement complexe de la physique, englobée sous la dénomination générale de « mécanique des fluides ». L'étude et la connaissance de la mécanique dalpine,cd,ford j,chaparral,marcel hubertes fluides découlent de lois mathématiques fort ardues, et sortent délibérément du cadre de cet article. Mais si l'aérodynamique automobile est régie par certaines lois fondamentales, c'est également une science basée sur l'expérience directe. La recherche pure n'y porte pas sur l'étude globale de la forme, mais plutôt sur des mises au point de détails. C'est du reste le cas de bien des éléments constituant une automobile : l'étude d'un châssis est une application pratique des lois relatives à la résistance des matériaux, celle d'un moteur à pistons découle de théorèmes régissant les transformations d'énergie. Mais sur des bases identiques, chaque cas est un cas en soi. C'est là qu'intervient l'expérience. Jusqu'à présent, le meilleur des bancs d'essai a toujours été la compétition. Et dans le domaine précis de l'aérodynamisme, les courses ont contribué grandement à un certain aboutissement dans les recherches.


 
En gros, on peut dire que l'aérodynamisme est l'étude des phénomènes provoqués par la pénétration d'un corps solide dans un milieu ambiant qui est l'air. A partir d'une certaine vitesse, une carrosserie de voiture peut être assimilée à un projectile, et son contact avec l'air provoque certains phénomènes tendant à en entraver sa pénétration, donc à en ralentir l'allure.

 
1966Tn1FORDJtestday4.jpgPrenons l'exemple d'un disque plat qui se déplace dans l'air selon une direction perpendiculaire à son plan. Le mouvement même du disque va provoquer plusieurs phénomènes:

1° Il va comprimer l'air qui tend à s'écouler sur sa surface, en direction de sa périphérie. Arrivés au bord, les filets d'air vont se décoller vers l'arrière.

2° Sur la face postérieure du disque va se créer une zone de dépression, provoquée par le vide découlant du mouvement.

3° Les filets d'air qui se décollent des bords du disque sont entraînés en arrière, et vont créer une zone de tourbillons, un sillage, d'une plus ou moins grande longueur.

Si l'on remplace le disque plat par un cylindre de même diamètre, on retrouvera les mêmes phénomènes, mais l'expérience prouve que la résistance à l'avancement sera moindre. La zone tourbillonnaire ne se forme plus de la même manière, du fait que les filets d'air glissent le long d'une surface avant de se décoller, et leur incidence sur la pénétration du corps est changée.

Dans la pratique, ce cas démontre clairement les différences aérodynamiques existant entre une voiture décapotable et une berline, de longueurs égales. Le pare-brise, qui se dresse au-dessus de la carrosserie de la décapotable peut être assimilé au disque de notre expérience. Quant à la caisse fermée de la berline, elle nous replace dans les conditions obtenues lors du déplacement du cylindre. Toutes choses égales, une barquette ouverte présente un moins bon aérodynamisme qu'une berlinette fermée.

Le but des recherches aérodynamiques est donc de déterminer des formes de carrosserie offrant une résistance aussi faible que possible à la pénétration dans l'air. Cette résistance est fonction de plusieurs facteurs, en particulier de la vitesse, et du coefficient de pénétration.

Si l'on appelle R la résistance, C le coefficient de pénétration, et V la vitesse, on peut poser : R = C x V2. C'est-à-dire que la résistance est égale au produit du coefficient de pénétration par le carré de la vitesse.

Le coefficient de pénétration est déterminé quant à lui par les caractéristiques du profilage, et par la surface du maître couple (1). On a donné au coefficient de pénétration l'appellation générale de « Cx ».

jcar.jpgUn plan, comme notre disque du début, se déplaçant dans l'air possède un Cx s'approchant de l'unité. Une voiture de série normale, berline à quatre portes, a un Cx d'environ 0,40, 0,50. Le Cx d'une voiture de course, étudiée pour les grandes vitesses, un prototype des 24 Heures du Mans, par exemple, est de 0,25 à 0,30. Dans une voiture de course très profilée, comme l'Alpine M66, le Cx est très bas : 0,16. Enfin, certains engins de record à deux roues peuvent atteindre 0,05, 0,06. Il est pratiquement impossible pour une voiture à quatre roues de descendre au-dessous de 0,15.

(1) Le maître couple est la plus grande section transversale d'une carrosserie

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LE_Mans_1964_CD_Panhard_prototype.JPG

La C.D. Un bon aérodynamisme ne peut être obtenu qu'avec des carrosseries à roues intérieures.

Les voitures de course sont par définition des véhicules extrêmement rapides. Les nécessités d'un bon profilage, et partant d'une recherche aérodynamique, se sont fait sentir dès que ces vitesses ont pu être atteintes. En réalité, on sait depuis longtemps, grâce à l'aéronautique d'une part, mais aussi grâce aux travaux effectués sur certains véhicules de records, quelles sont les formes à adopter pour obtenir une efficacité aussi bonne que possible. En compétition proprement dite, les impératifs inhérents à la constitution d'une automobile ont quelque peu entravé les progrès. Mais de nos jours, les qualités du profilage d'une voiture de course pèsent autant dans la balance de la victoire que le freinage, la tenue de route, la puissance, etc.
Des résultats étonnants ont été obtenus récemment sur certaines voitures de course. Grâce à leurs qualités aérodynamiques, les Alpine Prototypes en particulier, sont désormais capables de vitesses de l'ordre de 260 km/h avec des moteurs ne dépassant pas 1300 cc. Pensant qu'il serait intéressant pour nos lecteurs de connaître son avis sur la question, nous nous sommes adressés directement à un spécialiste, et non des moindres, puisque c'est à lui que l'on doit justement le profilage de ces Alpine. Il s'agit de Marcel Hubert, une figure bien connue du milieu sportif automobile. Ancien élève des Arts et Métiers, cet homme, comme bien d'autres « sorciers» de la mécanique, s'est formé lui-même, par passion de la course et de l'automobile. Son entrée chez Alpine ne date que de 1963. Mais on lui devait déjà à cette époque un certain nombre de réalisations des plus probantes. Il participa entre autres au dessin du profilage des C.D. du Mans, en 1962. Ces voitures de seulement 57 cv atteignaient une vitesse de pointe de 185 km/h ...
En poussant la puissance à 60 cv, il fut possible d'obtenir ... 206 km/h
Voici les questions que nous lui avons posées pour vous, et les réponses qu'il nous a fourni.


 
Champion - Marcel Hubert, des progrès et des résultats tangibles ont-ils été réalisés ces dernières années dans le domaine de l’aérodynamisme ?

Marcel Hubert - En ce qui concerne les voitures de série normales, on ne peut pas dire que de gros progrès aient été effectués. Les cotes d'habitabilité des berlines classiques à quatre places sont assez incompatibles avec un bon aérodynamisme. D'autre part, les qualités d'un bon profilage ne se font sentir qu'à partir d'une certaine allure - qu'on peut situer aux alentours de 100 km/h. La majorité des conducteurs, ceux qu'on appelle les « automobilistes moyens », ne dépassent pas dans la plupart des cas cette vitesse.

Dans le domaine de la compétition, par contre, la qualité d'un profilage est une condition première de performance. Il y a en réalité une bonne quarantaine d'années que l'on sait déterminer des formes aérodynamiquement efficaces. Cela remonte en gros à l'époque où Campbell a entamé ses travaux relatifs à des records de vitesse sur terre. En compétition sur circuit, on a commencé à obtenir de bons résultats, des résultats vraiment probants, dans la période de l'après-guerre. Les Panhard Monopole de Chancel, vers les années 54-55, étaient d'un aérodynamisme très poussé, très étudié.

Vous êtes personnellement arrivé à obtenir 260 km/h.de la part de moteurs de 1300 cc, l'an dernier au Mans. Pourtant, les Formules 1 de trois litres de cylindrée ne sont pas tellement plus rapides, ne dépassant pas 280 km/h environ. Est-ce là une preuve de leur mauvais aérodynamisme ?

Le type de voiture de course permettant de modeler un meilleur profilage sont les voitures à carrosserie enveloppante, et fermée. Donc les prototypes, et par extension les G.T. De par leur définition même, les monoplaces se doivent d'avoir les roues extérieures. Leur fuselage n'intervient que dans une très faible mesure dans l'aérodynamisme général.

Capture.JPGLe Cx d'une Formule 1 n'est affecté que de 10 à 15 % par la forme de la caisse. Tout le reste, ce sont les roues. Comme de plus, elle tendent à s'élargir, que les pneus sont presque aussi larges que hauts, on ne peut évidemment pas obtenir sur une, monoplace une excellente pénétration. Pourtant, cette forme, à roues extérieures, est imposée, et elle est la même pour tout le monde. Il ne reste plus aux constructeurs que la ressource de travailler le profilage de leurs fuselages, et des éléments qui dépassent, comme les bras de suspensions, les ressorts, etc. La recherche d'une meilleure pénétration a été à la base de la diminution du maître couple des monoplaces. De tous les compromis utilisés pour améliorer l'aérodynamisme de ce type de voiture, certains sont discutables, car peu probants. La plupart des voitures actuelles ont leurs ressorts rejetés à l'intérieur de la coque, afin de ne pas offrir de résistance à l'écoulement des filets d'air. Mais les Brabham, qui possèdent des ressorts extérieurs, sont aussi rapides en vitesse de pointe. Donc, cela peut se discuter. De toutes les manières, tant que les roues des monoplaces seront extérieures, l'aérodynamisme obtenu ne pourra être que précaire. C'est ce qui explique leurs relativement (!) faibles performances en vitesse pure.
La qualité et l'efficacité d'un profilage ne peuvent être réalisés qu'à partir du moment ou les roues sont intérieures à ce profilage. Cela implique donc des voitures carrossées.

Dans ces conditions, peut-on déterminer, théoriquement, une forme aérodynamiquement parfaite ?
Et quels sont les impératifs qui empêchent dans la pratique d'obtenir une telle forme ?

1962_CD_Le_Mans.jpgLa forme la plus parfaite en ce qui concerne ses qualités de pénétration dans l'air est celle d'un corps fuselé vierge de toute excroissance. Un peu comme une goutte d'eau en chute libre, ou encore, comme un ballon dirigeable Zeppelin...
Dans la pratique, il existe en automobile une foule d'impératifs qui font que l'on ne peut que tendre vers cette forme idéale. Les roues, en premier lieu, sont le gros handicap. Même avec une carrosserie enveloppante, il y aura toujours une partie de ces roues qui ne sera pas carénée. De plus, une voiture se doit d'avoir quatre roues, disposées suivant un schéma rectangulaire, et les éléments comme le châssis, le moteur, l'habitacle, déterminent un maître couple contre lequel on ne peut rien. Les traînées et turbulences nocives dues à la pénétration d'une carrosserie dans l'air ont beau être réduites au minimum par l'adoption d'un bon profilage, il faudra tout de même compter avec le sillage propre à chaque roue, La partie non carénée de chaque roue possède en effet sa traînée propre. Et ces sillages viennent en plus perturber l'écoulement des filets d'air tels qu'il était initialement prévu le long de la carrosserie. La traînée aérodynamique globale de la carrosserie et des roues montées ensemble est supérieure à la somme des traînées aérodynamiques de la carrosserie et des roues prises isolément.

Quelle est l'importance de l'aérodynamisme par rapport aux différentes cylindrées et puissances. A quoi, par exemple, peut-on attribuer la nette différence de silhouette séparant disons, une Alpine d'une Chaparral, ces deux voitures étant considérées comme aérodynamiquement efficaces ?

On croit à tort, et cette croyance est appuyée par le fait que les voitures de petites cylindrées sont souvent mieux profilées, qu'un bon aérodynamisme ne peut être utile que pour pallier à un certain manque de puissance.
En fait, ce n'est pas juste. Un moteur de petite cylindrée, peu puissant, ne peut pas utiliser pleinement les qualités de finesse d'un profilage, puisqu'il ne permet pas d'atteindre les vitesses où justement l'efficacité de ce profilage devient réellement utile. Contrairement à ce qu'on pense, et à ce qu'on fait, une grosse voiture très puissante se devrait, plus encore qu'une petite, d'être très fine, du fait même qu'elle est susceptible de très hautes vitesses.
A l'heure actuelle, les très grosses cylindrées ne sont pas toujours d'une efficacité aérodynamique des plus probantes. Regardez un « Stock-Car» américain, par exemple. Avec 7 litres de cylindrée, ces voitures roulent à 300 à l'heure. Un prototype Ferrari, avec 4 litres, atteint la même vitesse. Ceci, grâce au profilage.
Au point de vue profilage pur, et pour répondre à votre deuxième question, une Chaparral n'est pas aussi aérodynamique, aussi bien profilée qu'une Alpine. Elle est par contre beaucoup plus efficace que les autres voitures de cylindrée équivalente qui comptent surtout sur leurs chevaux pour aller vite. En réalité, le cas Chaparral est le suivant. Dans cette voiture, on s'est servi des phénomènes aérodynamiques de pénétration d'un corps dans l'air pour améliorer la tenue de route, et non pas la pénétration proprement dite.
C'est-à-dire que par l'intermédiaire de bavolets, de becquets, et maintenant même, d'un aileron, on « assoit » la voiture sur la route. En modifiant la position de ces éléments selon les vitesses, on peut modifier d'autant les phénomènes de portance qui se manifestent toujours à partir d'une certaine allure. A l'origine, la Chaparral n'était pas prévue telle qu'elle est à l'heure actuelle. C'est petit à petit, par tâtonnements, et par expérience, que les constructeurs en sont arrivés à cette forme insolite. Les résultats tendent à prouver qu'ils ont vu juste : cette voiture est nettement supérieure en tenue de route à toutes ses concurrentes. Mais elle n'est pas un exemple de bon profilage. Sur l'Alpine, au contraire, qui est moins rapide, on s'est attaché à déterminer le meilleur écoulement dans l'air, tout en tenant compte tout de même des impératifs de tenue de route. Mais dans ce cas, les postulats de base sont différents : l'Alpine est plus légère, moins grande et moins puissante. Le résultat obtenu fut également probant, puisque le profilage déterminé nous a permis des performances vraiment étonnantes avec un moteur de très petite cylindrée.

Alpine-Renault-A210-1966-01.jpg1300 cc et 260 km/heure. Grâce à un bon profilage.

 
Qu'appelle-t-on portance ?

C'est la force qui tend à soulever vers le haut un corps d'une certaine forme se déplaçant dans l'air. Les phénomènes de portance tendent à faire « décoller » une voiture, exactement comme un avion, et lui font donc perdre son adhérence. Par un profilage judicieusement étudié, on arrive à obtenir des carrosseries à portance nulle, ou négative. En particulier par adjonction d'un becquet arrière qui plaque les roues motrices au sol. Mais malgré ce becquet, on arrive à conserver au profilage toutes ses qualités de finesse. La façon de déterminer le dessin d'un becquet est purement empirique. Chaque cas est un cas en soi, et c'est là justement qu'intervient l'expérience, la mise au point. Ces recherches se font sur le circuit, on ne peut pas taper dans le mille à priori.

Les essais en soufflerie et les calculs de laboratoire ne sont donc qu'un « dégrossissement » ?

Exactement. Au tunnel, vous pouvez déterminer une forme de profilage. Mais cela se fait sur des maquettes à petite échelle, qui ne réunissent pas vraiment toutes les conditions rencontrées sur circuit. L'interaction des traînées aérodynamiques des roues sur celles de la carrosserie ne sont pas les mêmes en tunnel et sur piste. Le choix d'une forme commence au tunnel, mais ce n'est là qu'une étape avant d'obtenir vraiment le profil définitif.

Que recherche-t-on plus particulièrement par une étude poussée du profilage ? Une plus grande vitesse de pointe, une meilleure accélération, ou une consommation moins importante ?

Les trois. Pour un moteur d'une puissance donnée - mettons 100 cv à 6 000 tours - une carrosserie bien profilée ne donnera pourtant pas un gain de vitesse énorme, aussi extraordinaire que cela puisse paraître. Car admettons qu'avec une carrosserie normale, la voiture fasse 150. Si l'on change le profilage, elle pénétrera plus facilement dans l'air, mais le moteur arrivera très vite à son régime maximum, sans que la vitesse soit très augmentée. Il faudrait pour cela que le moteur monte encore en régime, mettons à 7000. Or il n'est pas prévu pour cela. C'est donc en premier lieu l'accélération qui va être améliorée. Si l'on veut augmenter la vitesse, il faudra changer la démultiplication du pont, et à ce moment seulement, elle pourra être grandement augmentée. Ce choix est fonction du type de circuit sur lequel a lieu la course. Et de toutes les manières, une meilleure pénétration diminue toujours la consommation de carburant, le moteur ayant moins d'efforts à fournir.

Est-il exact que la taille du maître couple et le profil d'attaque présentent moins d'importance que le dessin de l'arrière d'une carrosserie, qui va canaliser les filets d'air ?

C'est l'ensemble qui est important. Chaque élément cité n'est qu'une partie d'un tout, et doit être profilé en fonction des autres. C'est en effet toute la surface de la voiture qui est soumise à la pression de l'air. Mais il est inexact de dire que l'avant ou l'arrière soit plus important. On a tendance à croire, par exemple, que les arrières à « pan coupé » présentent les mêmes qualités d'aérodynamisme que le profil théorique dont ils découlent. Or c'est inexact aussi. Si l'on utilise le pan coupé sur certaines grosses voitures, c'est surtout pour des raisons d'encombrement. Mais regardez la nouvelle Lola T-70 MkII, la berlinette du Racing Car Show. Eh bien, elle est très longue de l'arrière, et sa carrosserie présente toute une partie vide qui n'est là que pour des raisons d'écoulement des filets d'air. Quant à l'Alpine, elle se rapproche le plus possible d'un profil théorique idéal.

Les résultats acquis en compétition sont-ils applicables aux berlines de grande série dans un proche avenir ?

Il existe très peu de berlines aérodynamiques. L'évolution du goût du public est fonction de ce que lui imposent les constructeurs. Et ils imposent souvent des modes assez irrationnelles. Cela se comprend aux U.S.A., où l'essence ne coûte pas cher, et ou la vitesse est limitée. Mais en Europe, la majorité des voitures sont également des injures aux lois de l'aérodynamisme. L'une des seules exceptions, c'est la D.S. Avec 13 CV, elle est capable d'une vitesse de pointe et de vitesses moyennes assez remarquables, surtout quand on sait qu'elle ne consomme que relativement peu d'essence. Dans un certain sens, la Renault 16 est elle aussi assez aérodynamique. Mais dans l'ensemble, le seul domaine où l'aérodynamisme puisse se donner libre cours, c'est la compétition.

chaparral_2g_3626.jpg

Dans la Chaparral, on s'est beaucoup servi des phénomènes aérodynamiques pour, « asseoir » la voiture sur le sol, et améliorer sa tenue de route.

Illustrations ©DR:

1 & 3. La fameuse « J-car » aux essais du Mans. Contrairement à ce qu'on pense, les grosses voitures puissantes auraient avantage à être très efficaces sur le plan aérodynamique. Elles sont en effet seules capables d'atteindre les hautes vitesses où les qualités d'un profilage se font vraiment sentir.

8. Suspension avant d'une monoplace de Tomaso. Le bras supérieur est profilé, le ressort rejeté à l'intérieur de la coque pour éviter le plus possible la formation de filets d'air néfastes. De toutes façons, sur les monoplaces, la présence de roues extérieures constitue un obstacle à une bonne pénétration dans l'air.

9. L'Alpine M-66. Les essais en tunnel ne sont qu'un dégrossissement. Seul le verdict des essais sur piste détermine les qualités d'un profilage ...

mise en page Francis Rainaut

Rich Man, Poor Man... (Part 1)

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Si d'aventure quelqu’un s’était essayé à écrire une fiction reprenant les grands thèmes de la vie de Lance Reventlow, personne n’aurait trouvé le scénario crédible, tant celui-ci regorgerait de détails rocambolesques ou fantastiques.

Playboy, pilote de course, constructeur de voitures de course, entrepreneur, qui était vraiment l'homme à l'origine des mythiques Scarab ?

Mais au fait, ces Scarab, que sait-on vraiment de leur histoire ?

lance reventlow,jill st-john,jim hall,caroll shelby,von dutch

 par Francis Rainaut

 

Le contexte familial, les débuts

lance reventlow,jill st-john,jim hall,caroll shelby,von dutch« Tout le monde n’a pas la chance d’être orphelin » (1) aurait probablement pensé Jules Renard à propos de Lawrence Graf von Haugwitz-Hardenberg-Reventlow, dit « Lance » Reventlow.

Né en 1936, Lance est le fils unique de Barbara Hutton, héritière richissime de l’empire Woolworth, et de son 2e mari, le comte danois Kurt von Haughwitz... et cætera.

Ecartelé entre ses parents vite divorcés qui se disputent violemment sa garde, il est finalement confié à sa mère et choisira en conséquence la nationalité américaine un peu plus tard.

La petite-fille de Frank W. Woolworth (2), se remarie ensuite avec l’acteur Cary Grant, et même si cette union ne dure que trois ans, elle apporte à Lance un peu de cette stabilité dont il a besoin. Puis ce fut le tour – en 1947 - du Prince russe Igor Troubetzkoy, sportif émérite et par ailleurs pilote automobile (3) d’épouser la « pauvre petite fille riche », ce qui allait bien entendu avoir une influence déterminante sur la destinée de notre jeune  blouson doré puisque c’est bien le Prince Igor qui lui aura en définitive inoculé le virus de la course automobile.

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L’excitation et le glamour associés à la course automobile plaisent au jeune Reventlow et avant même d’avoir atteint ses vingt ans, il s’engage dans des courses de club se disputant non loin de son domicile d’Hollywood, Californie.  Parmi ses proches figure un jeune acteur également pilote automobile amateur nommé James Dean… Lance affirmera avoir été le dernier à parler à Jimmy avant son tragique accident en 1955 sur la route de Salinas.

A la recherche sans doute d’un challenge un peu plus relevé, il décide alors de laisser derrière lui le soleil de la Californie et part en Angleterre effectuer une saison de formule 2 sur une Cooper, épisode qui n'a pas laissé pas une trace indélébile dans l'histoire du sport automobile mais qui permet quand même à Lance de se perfectionner.

(1) Clin d’œil à Jim Hall, un autre « héritier » américain.

(2) Le fondateur des populaires magasins « five and dime » Woolworth.

(3) Le Prince Igor - à qui feu Mémoire des Stands avait consacré une belle épitaphe en 2008 - fut notamment célèbre pour avoir été le premier à faire triompher une Ferrari en 1948. Il a également remporté la Targa Florio en 1948 et avait opté pour la nationalité française. Un autre « gentleman » -driver, Porfiro Rubirosa, succédera au Prince comme mari de Miss Hutton.

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Ces sublimes Scarab

lance reventlow,jill st-john,jim hall,caroll shelby,von dutchlance reventlow,jill st-john,jim hall,caroll shelby,von dutchLance rentre alors aux Etats-Unis, bien décidé à contrer les constructeurs européens sur leur propre terrain.

Il va méthodiquement mettre tous les atouts de son coté pour se porter à la hauteur des Ferrari, Maserati, Jaguar et autres Aston Martin. Il crée la firme Reventlow Automobiles Inc. – RAI – qui s’installe à Venice, Californie et fait appel à des pointures locales comme l'ingénieur en chef Phil Remington (4) associé aux designers/concepteurs Tom Barnes et Dick Troutman, le fameux duo Troutman-Barnes (5) mais aussi comme designer occasionnel et pilote de développement, Ken Miles. Pour le moteur il s'adressera aux sorciers du Chevy Jim Travers & Frank Coon (Traco Engineering).

La livrée des Scarab est confiée au fameux peintre des Hot-Rods Kenny Howard, plus connu sous son nom d’artiste Von Dutch, véritable star de la cote Ouest. On pourrait difficilement faire un meilleur choix, les Scarab sont d'une beauté rare et intemporelle.

Las, entre temps un élément imprévu vient mettre à mal tout ces beaux projets.  En 1956, la Commission Sportive Internationale (CSI) est amenée à reconsidérer les règlements du sport automobile après le tragique accident de 1955 aux 24 Heures du Mans, doublé d'une autre tragédie aux Mille Miglia 1957, laquelle conduira à l'arrêt de l'épreuve. Après de multiples négociations, il est finalement décidé de limiter la cylindrée à 3000 cm3 pour la saison 1958 (6). Tant pis pour l'Europe, les Scarab avec leur gros moteur V8 302 ci - 5 litres - Chevrolet et leur boite de Corvette devront donc ce contenter de courses « at home ». L'un des objectifs de Reventlow est d'utiliser presque exclusivement des composants « U.S. parts », nous verront plus loin comment ceci finira un jour par lui poser des problèmes.

(4) Qui travaillera ensuite chez Carroll Shelby comme ingénieur en chef.

(5) Concepteurs entre autres de la Chaparral Mk1.

(6) Jusqu’en 1962, retour des prototypes de plus de 3 litres en 1963.

McC00086.jpg

 

Les débuts fracassants

La Scarab MkI effectuera ses débuts très tôt dans la saison 1958. Les résultats ne vont pas tarder. À la mi-saison Reventlow a déjà remporté plusieurs victoires. La Scarab MkII arrive un plus tard, elle remporte la victoire dès sa seconde sortie, conduite par une fine gâchette nommée Chuck Daigh.

Le Grand Prix de voitures de Sport de Riverside le 12 octobre 1958 représente sans doute le plus grand fait d'armes de l'écurie Scarab. Daigh et Reventlow prennent les 1re et 3e places, encadrant sur le podium rien moins que leur compatriote Phill Hill engagé par l'écurie officielle Ferrari. Suivent au classement des noms comme Dan Gurney et Richie Ginther sur Ferrari, Roy Salvatori sur Aston Martin, Jean Behra et Ken Miles sur Porsche Spyder ou encore Caroll Shelby sur Maserati.

Scarab est devenue une référence, la saison suivante verra de nombreuses victoires des Scarab MkII avec au volant des pilotes comme Augie Pabst, Carroll Shelby, Jim Jeffords et Harry Heuer.

Fort de sa réussite, Reventlow envisage maintenant de s'engager à l'échelon suprême de la course automobile, la Formule 1, avec bien sûr des Scarab 100% américaines.

Accessoirement il file le parfait amour avec une jolie actrice débutante, Jill St-John, qui tiendra plus tard le rôle de l'énigmatique et sexy Tiffany Case dans le film « Les diamants sont éternels », septième James Bond porté au cinéma.

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A suivre...

 

- Photo 1 ©Bernard Cahier

- Autres images ©DR

« 24 Heures démentes »

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« Lancés à plus de 300 km/h, les pilotes flirteront sans cesse avec la mort. » (1)

Tel est le titre d'un quotidien paru un 11 juin, dont on peut dire qu'il ne s'embarrasse pas de données techniques ni de description des forces en présence; on y retrouve cependant tous les clichés éculés concernant ces trompe-la-mort, ces risque-tout, ces fous-du-volant, bref ces pilotes.

Vu le style employé, il doit probablement s'agir d'un journal « à fort tirage » qui doit dater de la fin des années soixante, quand les images de l'accident de 1955 étaient encore bien présentes dans les esprits, et que les sport-prototypes commençaient à faire tomber tous les records de vitesse...

24h du mans,john woolfe

Et bien vous n'y êtes pas. Ce quotidien - gratuit - est sorti ce jeudi 11 juin, il fait même l'objet d'une « 21e Minute », l'article est écrit par un journaliste sportif.

D’hier ou d’aujourd’hui, ces propos nous interpellent. Ainsi ce serait cela, la course automobile ? Une sorte de roulette russe où le pilote dispose malgré tout de quelques cartes pour s’en sortir. Mais pas toutes, sinon à quoi bon assister à des courses d'autos...

24h du mans,john woolfe

 

« Vingt-quatre heures contre la mort »

« Lorsqu’il s’agit d’évoquer les dangers du sport automobile, les pilotes ne sont pas très loquaces. Pourtant, une centaine de personnes, dont 22 pilotes, sont morts en 82 éditions de cette épreuve mythique. Une course jamais interrompue, même quand une voiture a foncé dans le public, en 1955, fauchant 84 vies. » …

Donc il y a très exactement soixante ans, ce « pauvre » Pierre Eugène Alfred Bouillin, dit Pierre Levegh a carrément foncé dans le public; l'Austin-Healey n'existe pas, le muret non plus, l’enchainement fatal de circonstances encore moins, c’est le pilote - très certainement un dingue – qui a foncé dans le public.

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« La mort, Loïc Duval l’a vue de près en 2014 lors des essais qualificatifs. Lancé à plus de 200 km/h, le vainqueur de l’édition 2013 a fracassé son Audi contre un rail de sécurité à la sortie des virages Porsche. Un an après, il ne se souvient toujours pas de l’accident. » …

« en 2011, moins d’une heure après le départ, Allan McNish, au volant de l’Audi n°2, fracasse sa voiture. » …

Voilà ce qu’il faut raconter aux lecteurs, en prenant de préférence l’accent marseillais. A n’importe quel moment, y compris en tout début de course, un pilote expérimenté est susceptible d’aller « fracasser » sa voiture dans les fascines, on vous a bien prévenu, il pourrait y avoir du spectacle.

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Allons un peu plus loin. Aujourd’hui les courses de Formule 1 ne sont plus recette, c’est la faute à Lewis, c’est la faute à Bernie, c’est la faute à Mercedes, c’est la faute à Pirelli. Certes… mais c'est aussi parce que le danger est devenu très virtuel, même si personne - absolument personne - n'a envie de revoir des images d'une Marussia se « fracassant » contre une grue.

Même si sa vision de la course mancelle est un peu caricaturale, le journaliste sportif du jeudi n’a pas entièrement tort. Parmi les ingrédients constitutifs de la magie du Mans figurent en bonne place un circuit encore « viril », des conditions de course changeantes, un mélange des forces et des niveaux propice à des accrochages. Mais aussi cette manière aujourd'hui un peu désuète de s'enfiler des morceaux de nationales à plus de 300 km/h. Débat sans fin.

Oui le danger et le risque font bien partie de la magie du Mans. Mais ils font aussi partie de la traversée de l'Atlantique à la voile et de la plupart des expéditions en montagne. On peut aussi apprécier un match de rubgy, sans pour autant guetter le moment où le sang giclera.

Bien sûr,... mais au fond, c'est le « journaliste » qui a doit avoir raison. Pour stimuler l'intérêt du public pour la course automobile, il faut du sensationnel, il faut du « trash ». Alors oui, course contre la mort, pas de risque zéro, c'est la recette pour relancer le cirque, et bien Bernie, tu dors ?

Mais ce week-end, qu'il nous soit permis d'assister à de belles joutes entre ces magnifiques protos, sans oublier de saluer respectueusement Marius Mestivier, Pierre Levegh, « Bino » Heins, Roby Weber, Lucien Bianchi, John Woolfe, Jo Bonnier, Jo Gartner, Sébastien Enjolras, Allan Simonsen et tous ceux qui ont laissé leur vie sur ce circuit, dont presque une centaine de spectateurs le 11 juin 1955.

 (1) Toutes citations extraites du quotidien « 20 minutes », #2851.

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par Francis Rainaut

- Images ©DR


 

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Scarabs, Let It Be (Part 2)

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Comme ses voitures de sport ne sont plus autorisées à courir en championnat du Monde, Lance décide d’affronter les Européens sur les courses de Formule 1. Mais ce faisant, il commet là d’une énorme erreur de jugement...

Voir également :

- Rich Man, Poor Man... (Part 1)

- Scarab's miscellaneous

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par Francis Rainaut

Personne dans l’équipe n’a la moindre expérience des Grand Prix, et Reventlow a insisté pour que les monoplaces aient des composants 100% américains, ce qui signifie qu’ils doivent développer certaines pièces à partir de zéro. Des firmes expérimentées comme Ferrari et Aston Martin ont traîné à prendre le virage du moteur arrière initié par Cooper, en conservant le moteur avant sur leurs monoplaces... Les Scarab prennent exemple sur elles, avec des résultats malheureusement prévisibles.

Au crédit de l’ingénieur Offenhauser Leo Goosen figure une longue liste d’excellents moteurs de compétition. Il dessine pour l’occasion un tout nouveau quatre-cylindres. Ce moteur dispose d’un dessin surbaissé, il est doté de deux bougies par cylindre et surtout d’une distribution desmodromique utilisant des cames secondaires à la place des ressorts pour la fermeture des soupapes. Goosen était plutôt contre le setup desmodromique lors du développement, mais Reventlow insista... Le moteur ne délivrera jamais une puissance compétitive et se révéla par-dessus le marché d'une fiabilité désastreuse.

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Le châssis est d’une architecture conventionnelle à moteur avant; son dessin est dû à un jeune ingénieur de 23 ans nommé Marshall Whitfeld, qui n’a auparavant jamais dessiné de voiture de course… La monoplace ressemble un peu à un roadster d’Indianapolis en réduction, elle utilise une transmission Halibrand rattachée à une boite de vitesse spéciale utilisant des pièces de Corvette. Le différentiel est positionné à gauche du pilote et possède un simple frein refroidi par eau sur le demi-arbre droit. A l’avant, les freins à tambour sont placés à l’extérieur... Le dictat original du « tout-américain » n’a pas permis l’utilisation  de freins à disque anglais, mais lorsque les freins fait maison révélèrent leur manque de puissance, des freins à disque Girling leur furent substitués.

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Le châssis fut terminé bien avant que le moteur ne soit prêt, si bien qu’on installa pour les tests un vieil Offy provenant du chassis 003. Ces test démontrèrent que tout allait de travers, en commençant par les freins jusqu’aux nouveaux pneus Goodyear, dont c’était la première apparition en F1... Finalement, tous ces retards obligèrent l’équipe à manquer la saison 1959 tout entière.

Les vraies mauvaises nouvelles arrivent en 1960, lors des débuts du Team Scarab au Grand Prix de Monaco. Ils découvrent très vite qu’ils sont plus lents que les Formule Junior qui courent en ouverture. Le moteur Goosen rend environ 50 chevaux au Coventry-Climax FPF, et le freinage est abominable... Aucune des monoplaces ne se qualifie pour la course, en dépit de l'aide ponctuelle de Stirling Moss sollicité pour évaluer le potentiel de la F1 américaine.

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Arrive Zandvoort. Chuck Daigh se qualifie 15e, mais lorsque les temps de qualification sont publiés, Reventlow pique une colère et laisse le team sur place. Une troisième monoplace est construite comme châssis de réserve.

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A Spa, Daigh et Reventlow se qualifient, mais ne sont pas du tout dans le rythme et abandonnent tous les deux. Arrivé à ce stade, Reventlow est passablement découragé et décide de laisser son propre volant au pilote d’essais Ferrari Richie Ginther (1).

Le prochain Grand Prix a lieu à Reims, mais les Scarab cassent toutes leurs moteurs aux essais et le Team se replie à domicile.

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Le dernier Grand Prix de la saison se déroule à Riverside, aussi le Team escompte une sorte d’avantage du fait de courir à domicile. Ils décident de n’engager qu’une seule voiture pour Daigh, qu’ils essaient d’alléger autant que faire se peut. Daigh se qualifie 18e sur 23 engagés et termine à une méritoire 10e place pour ce qui sera la toute dernière course d’une Scarab F1.

En effet malgré l'opposition de la plupart des équipes britanniques, la CSI bouleverse les règles de la Formule 1, dans le but de réduire la puissance. A partir de 1961, la cylindrée est fixée à 1,5 litre, les Scarab devront trouver un nouveau terrain de jeu. L'opposition s'organise, la Formule Intercontinentale est créée, qui autorise les anciennes motorisations, les Scarab y figureront plus qu'honorablement (2).

L’épilogue de cette saga eut lieu bien des années plus tard. En 1988, Chuck Daigh se donna comme challenge de perfectionner le système de distribution desmodromique de la Scarab F1. Il découvrit alors que le dessin original spécifiait un jeu aux soupapes de 0,05 mm. Cependant lors de la mise au point du moteur, cette valeur avait été portée à 0,3 mm, très certainement pour compenser la dilatation des matériaux due à la chaleur.

Daigh essaya alors le jeu préconisé lors de la conception, et gagna instantanément 20 pour cent de puissance moteur. Quel aurait été en 1960 le destin d'une Scarab F1 disposant de tous ses chevaux ?

«  The answer, my friend, is blowin' in the wind,…»

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L’histoire des Scarab est terriblement attachante, à cause ou en dépit de son manque de succès. Lance était sans doute le dernier des romantiques, de ces hommes qui se lançaient dans des projets un peu fous à priori impossibles. Alors finalement peu importe qu’il ait échoué, l'épopée du Team va malgré tout laisser des traces dans l'ADN des constructeurs américains, parmi lesquels Chaparral ou encore Caroll Shelby (3).

L’époque n’était pas aux business plans aux stratégies blindées, les dealers de cigarettes n’avaient pas encore infesté le milieu, les vendeurs de boissons « énergisantes » encore moins. Défendre les couleurs de son pays avait encore un sens, les monoplaces arboraient alors les couleurs nationales, exactement comme dans nos Circuit 24. C'était l'époque où on rêvait tous d'être Michel Vaillant, à ce propos lorsqu'on observe la Vaillante F1 1961, il est impossible ne pas penser à une Scarab.

Et depuis, c'est toujours un vrai bonheur de retrouver dans les plateaux de courses historiques une monoplace Scarab, comme c'était le cas au Grand Prix de l'Age d'Or 2015.

 

(1) Après ce funeste week-end de Spa qui vit le grave accident de Stirling Moss et surtout les deux accidents mortels d’Alan Stacey et Chris Bristow, Barbara Hutton, la mère de Lance, exigea que son fils cesse de s’aligner en grands prix comme pilote. Comme elle détenait les cordons de la bourse, son fils lui en fit la promesse. C’est pourquoi Ritchie Ginther s’aligna à sa place aux essais du Grand Prix de l’ACF.

(2) Ce point fera probablement l'objet d'une troisième partie.

(3) Pour paraphraser ce qu’Elliott Murphy a écrit à propos du groupe new-yorkais « Velvet Underground », on peut dire que Scarab en tant que tel n’a eu qu’un succès très limité, mais que tous ceux qui ont participé à cette aventure deviendront célèbres… ou laisseront une trace durable dans la course automobile.

« 1 000 personnes seulement ont acheté le premier album du Velvet Underground, mais chacune d’entre elles a monté un groupe après ça »

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- Photo 6 : Age d'Or 2015 © Gérard Gaud

- Autres photos © DR

Scarab : All Things Must Pass

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A partir de 1961, le règlement de la Formule 1 abaissant la cylindrée maximum de 2,5 à 1,5 litres conduit les constructeurs britanniques à créer une nouvelle série appelée « Formule Intercontinentale », acceptant les moteurs jusqu’à 3 litres. Le team Reventlow fourra alors son vieux 3L-Offy dans une de ses F1 et envoya le tout en Angleterre avec Chuck Daigh pour disputer la série. Mais le moteur était un peu juste en puissance, et le châssis vraiment pourri...

Voir également :

- Rich Man, Poor Man... (Part 1)

- Scarabs, Let It Be (Part 2)

- Scarab's miscellaneous

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Chuck Daigh, Sandown Park 1962 © DR

par Francis Rainaut

Intercontinental Formula:

Son meilleur résultat fut une 6e place à Goodwood, après quoi Daigh fut sérieusement blessé lors d'un violent crash à Silverstone où il détruisit l’auto. La voiture ou tout du moins ce qu'il en restait fut renvoyée à la maison pour y être cafutée.

Reventlow décida alors de construire une toute nouvelle monoplace à moteur central spécialement pour la saison 1961 de Formule Intercontinentale (1).  Son dessin fut confié à Eddie Miller (neveu du sorcier des moteurs Harry Miller), il suivait étroitement - certains diraient copiait - les nouveaux standards introduits par Cooper en Formule 1. La directive du tout-américain fut mise en veilleuse pour autoriser des freins à disques Girling et une transmission Cooper-Knight (2). Le châssis était conventionnel et costaud mais devait encore se traîner le moteur desmodromique sous-puissant, alimenté désormais par deux Weber. Mais la voiture ne fut pas terminée à temps pour pouvoir disputer la fin de saison...

Les règles de l’Intercontinentale devaient évoluer pour 1962 et permettre l’utilisation de plus gros blocs issus de la série. Reventlow vit là une opportunité de rentrer un peu d’argent et de faire ainsi plaisir à sa mère. Celle-ci avait financé le team sans compter (au-delà d’ 1,5 millions de $) et commençait à avoir de sérieux doutes. L’idée de Lance était de construire des versions client de ses voitures qui pourraient être commercialisées afin d’accroître ses revenus. Il acheta alors un immense local et commença à accumuler des pièces en vue de démarrer un cycle de production.

Le règlement permettait de grosses améliorations sur les blocs de série, en conséquence RAI lança un programme de développement à partir du nouveau V8 Buick aluminium de 215-ci gavé par quatre carburateurs Weber (3). Avec l’aide de Mickey Thompson (qui faisait courir le « small » Buick dans ses monoplaces Indy), ils arrivèrent à tirer 300 chevaux du léger V8.

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Chuck Daigh, Sandown Park 1962 © DR

Sauf que… juste avant le début de la saison 1962, les règles de l’Intercontinentale changent à nouveau et les modifications effectuées par RAI sont alors jugées illégales. En conséquence la voiture ne courut qu’une seule fois, lors de la course de Formule libre en Australie à Sandown Park, où Daigh pris une excellente quatrième place derrière trois Cooper de Grand Prix et devant Stirling Moss avec lequel il batailla pendant toute l'épreuve (4). Les projets de production furent alors stoppés net, et les rêves d’argent finirent au ruisseau. Tous les employés furent licenciés à l’exception de Remington, du mécanicien Franck Schmidt et du designer Eddie Miller.

Toutefois il leur restait encore une voiture à construire.

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Reventlow, Jill St John, Daigh, Sandown Park 1962 © DR

Bien que l’apogée du team Scarab fut maintenant derrière lui, Reventlow décida d’utiliser certains composants fabriqués pour le projet Intercontinental comme base pour une voiture de sport à moteur central. Eddie Miller dessina les plans juste avant de s’en aller. Remington construisit la voiture comme ultime projet, avant de partir travailler pour Carroll Shelby.

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Mid-engine Scarab,Santa Barbara 1962 © racelounge.com

Epilogue:

A ce stade, Reventlow en avait clairement assez de la course auto. La Scarab biplace fut vendue à John Mecom. Sous l’organisation de Mecom, elle remporta plusieurs victoires aux mains de pilotes tels que A.J. Foyt, Augie Pabst ou encore Walt Hansgen.

Lance loua ses bâtiments à Caroll Shelby qui allait y construire ses Cobra avec Phil Remington. Il avait laissé dans son projet de construire une Formule 1 américaine victorieuse une bonne part de sa santé, son mariage avec l’actrice Jill St John n’y résista pas non plus. A la fin 1962, sa passion pour la course automobile s’était passablement atténuée et il commença à s’intéresser à d’autres activités comme les avions, la voile, le ski ou encore le polo.

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Scarab-Buick William Cotter 2011 © tamsoldracecarsite.net

Deux ans plus tard, en 1964, Reventlow alors âgé de 28 ans épouse une ex-enfant star de 19 ans, Cheryl Holdridge. Pendant un moment, on put penser que Lance avait rangé son casque pour la bonne cause, et que le couple menait une vie à peu près normale.

Cependant, à mesure que les années soixante se terminent, on voit de moins en moins Lance et Cheryl ensemble, Reventlow passant l’essentiel de son temps à Aspen, Colorado, pendant que Holdridge reste dans la villa du couple en Californie. En 1972, alors qu’il explorait des perspectives immobilières dans un canyon non loin d’Aspen, le Cessna 206 dans lequel Reventlow avait pris place comme passager s’écrase après avoir amorcé un virage serré à basse altitude; il n'y eut aucun survivant. Selon toutes vraisemblances, les causes de l’accident furent de mauvaises conditions météo aggravées par l’inexpérience du jeune pilote.

Lawrence "Lance" Graf von Haugwitz-Hardenberg-Reventlow devint ainsi définitivement « out of time »… Ce qui ne nous empêche pas de voir en la Scarab-Chevy de Formule Inter une première esquisse de la Brabham-Repco BT19, la future championne du monde de Formule 1 1966.

"You're obsolete, my baby, my poor oldfashioned baby
I said baby, baby, baby, you're out of time"

 

scarab,reventlow,caroll shelby 

(1)    Au moment même où deux Australiens pragmatiques fondent la firme Motor Racing Developments Ltd. (MRD). La production démarre prudemment avec une Formule junior.

(2)    Elle-même dérivée de la Citroën Traction Avant.

(3)    GM avait développé une famille de moteurs - le F85 Oldsmobile et le Buick 215 - absolument identiques hormis le fait que le F85 avait 6 goujons par cylindre et le 215 seulement 5.

(4)    Lors du meeting de Sandown Park le 12 mars 1962, Jack Brabham est apparemment séduit par la puissance du V8 alu GM « small block ». L'idée du moteur Repco - à base du F85 Olds - futur champion du monde vient probablement de là.

 

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Jack Brabham, Scarab, Sandown Park 1962 © DR

Comme un avion sans aile - 1 - P142, la BRM secrète

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Vers la fin des années soixante on commença à rajouter des ailerons aux monoplaces et autres prototypes afin d’augmenter leur vitesse de passage en virage. Ces ailerons utilisaient l’air « se précipitant » sur les rapides voitures de course pour créer une force verticale d’appui permettant un meilleure adhérence des pneus sur la piste afin d’accroitre le « grip » (1).

Certains ingénieurs parmi les plus créatifs considéraient cependant les ailerons comme une solution inélégante pour arriver à ce résultat. Dès lors ils n’eurent de cesse que de vouloir inventer la F1 « sans ailerons » qui utiliserait toute sa carrosserie pour générer de l’appui et de la déportance. Le concept n'était pas complètement nouveau, il faut se souvenir que cette voie avait été défrichée, dès les années vingt !... par l’ingénieur René Prévost, également aviateur (2).

par Francis Rainaut

 

B.R.M. P142: Aurait-elle assuré l’avenir de l’équipe ?

brm2.jpgTony Rudd - l'ingénieur en chef chez BRM - fut l'un des premiers à chercher une alternative aux ailes et ailerons dont la taille n'avait cessé d'augmenter à partir de 1968 avant que la C.S.I. n'y mette le holà un an plus tard, suite à l'épisode mouvementé de Barcelone-Montjuic (3).

Peter Wright, un ingénieur récemment diplômé du Trinity College de Cambridge et qui venait de rejoindre BRM, partageait le point-de-vue de Tony. Du coup on lui demanda de travailler sur le dessin d’une voiture qui utiliserait la totalité de sa carrosserie pour générer autant de force d’appui que les ailerons « rajoutés ». Le travail démarra dans le plus grand secret dans l’entrepôt de BRM à Exeter Street. Le plan était d’avoir cette nouvelle voiture révolutionnaire prête à courir pour le Grand Prix d’Italie en septembre 1969.

Afin d'expérimenter ses idées, Wright commença par rajouter des « side pods » sur les flancs d'une BRM P126. Ces side pods avaient une forme d'aile inversée, dans le but de générer sous les pontons une dépression qui « appuierait » la monoplace au sol. Jackie Oliver essaya la BRM, mais les résultats furent décevants, même si l'ingénieur reprit plus tard la même idée pour la toute nouvelle March 701.

tony rudd,peter wright,jim clark

Le projet P142 n’était connu que d’un tout petit nombre de personnes. Même la Haute Direction de Bourne n’était pas pleinement consciente de ce qui se passait. On fit des tests en soufflerie sur des maquettes et le travail commença alors sur la nouvelle monoplace.

Mais quand l'état major de Bourne découvrit toute l’ampleur de ce qui se tramait,  ils arrêtèrent tout cela immédiatement et remirent tous les moyens  sur le développement de la monoplace courante.

Une autre version impute clairement à l’arrivée de John Surtees chez BRM la responsabilité de l’abandon définitif du projet P142. Quoi qu’il en soit, Rudd ou Surtees, il fallait faire un choix…

tony rudd,peter wright,jim clarktony rudd,peter wright,jim clark

BRM P142, Imperial College Wind Tunnel

 

 

Peu de temps après Tony Rudd et Peter Wright quittèrent B.R.M. et rejoignirent Specialised Mouldings Ltd.,  une firme dessinant et fabriquant des éléments de carrosserie destinées aux voitures de course. C'est dans ce contexte que Robin Herd leur confia la conception de quelques évolutions pour sa March 701. Mais aucun pilote ne put jamais détecter la moindre différence de comportement de cette monoplace avec ou sans ses flancs ailés.

Et pourtant cette idée de réservoirs latéraux carrossés en aile d'avion inversée était bien la bonne... Il n'y manquait que les jupes pour rendre le travail de cette aile totalement indépendant de l'air extérieur.

tony rudd,peter wright,jim clark

Au sein de Specialised Mouldings Ltd., Wright apprit beaucoup sur l'aérodynamique et les matériaux composites puis il rejoignit TechnoCraft, une filiale de Lotus, toujours en compagnie de Tony Rudd.

Et ce ne fut que huit années plus tard que les victorieuses Lotus 78 et 79 de Formule 1 démontrèrent de manière évidente que les idées qui étaient derrière la conception de la « BRM secrète » allaient dans la bonne direction.

A ce moment là Tony Rudd et Peter Wright travaillaient tous les deux pour Lotus...

 

- Voir aussi  Wing car's technical 

 

(1) Dynamique des fluides, les bases :

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Source: Patrick Camus, Auto-Hebdo

L'origine de la déportance, donc de l'effet de sol et son fonctionnement, sont analogues à ceux d'une aile d'avion placée à l'envers.
Extrados = dépression = déportance ; Intrados = surpression = portance.
La dépression crée une force double de celle provoquée par la surpression. Un avion est donc aspiré dans l'air et non porté.

 

(2) Projet de véhicule à « effet de sol » présenté par René Prévost en 1928.

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(3) Synthèse rapide de l’arrivée des ailerons en F1 et monoplaces :

 

tony rudd,peter wright,jim clark

- 1965 & Riverside 1966 : Bruce McLaren essaie un aileron sur sa M2A (contribution M.Lovaty).

tony rudd,peter wright,jim clark

- 1966 : L' Eisert Indy dessinée par Shawn Buckley dispose d'un becquet arrière.

tony rudd,peter wright,jim clark

- Novembre 1967, Riverside : Jim Clark pilote une Vollstedt dotée d’un aileron (photo Bob Gates).

- Janvier 1968, Tasman séries, Teretonga : à la demande de Jim, des mécaniciens Lotus montent aux essais un aileron fait à partir d’une pale de rotor d’hélicoptère sur la 49T de Clark. Ce montage n’est pas conservé pour la course, mais n’échappe pas au regard curieux du tout jeune ingénieur Ferrari, Gianni Marelli.

- GP de Monaco : Boycott Ferrari, les Lotus 49 apparaissent avec un important becquet à l’arrière, ancêtre des ailerons.

tony rudd,peter wright,jim clark

- GP de Belgique : La Ferrari d’Amon et les Brabham courent avec un aileron, les Lotus avec un becquet.

- GP des Pays-Bas : début de la généralisation des ailerons.

- Mai 1969, GP d'Espagne : Accidents spectaculaires de Hill et de Rindt dûs aux ruptures de leurs - gigantesques - ailerons.

- GP de Monaco : La C.S.I. interdit les ailerons, puis ne les tolère que de dimensions restreintes.

SM.jpg

- Dessin Yardley BRM ©Francis Rainaut

- Autres illustrations ©DR

- March 701 "Wing Car", dessin Jordi Saillet, couleurs Luigi Mennella ©Philippe Bondurand

tony rudd,peter wright,jim clark


La Chaparral 2X occupera le 56e stand aux 24H du Mans

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Suite au forfait de la GreenGT H2 - le prototype suisse fonctionnant à l'hydrogène - qui devait occuper le « 56e  stand » réservé aux technologies d'avenir lors des prochaines 24 Heures du Mans, c’est la nouvelle Chaparral Racing 2X qui a été retenue pour prendre sa place.

C’est pour nous l’occasion de saluer ce retour de la mythique marque texane avec un prototype qui, fidèle à la réputation de la firme, fourmille d’idées novatrices...

- Voir aussi: Chaparral - les oiseaux de feu (part 1)

- Voir aussi: Chaparral - les oiseaux de feu (part 2)

par Francis Rainaut

chaparral,scott speed

L’idée derrière cette voiture concept est d’essayer des choses et d’explorer de nouvelles voies qui n’aient pas encore été expérimentées jusque là. En cela elle répond parfaitement à l’esprit du « 56e stand » réservé aux technologies d’avenir. Et même si Jim Hall ne dirige plus lui-même l'équipe, il n'en a pas moins été nommé « président d'honneur » et a par ailleurs donné sa totale approbation au projet développé chez Chevrolet.

La Chaparral est mue par un moteur laser de 671 kW, Chevrolet annonce une puissance d'environ 900 chevaux, un 0 à 100 km/h en 1,5 seconde et une vitesse maxi de 386 km/h: « l'unité laser montée au centre de la voiture produit un rayon qui vient frapper un voile de concentration, qui libère à son tour une onde de choc qui propulse cette machine extrêmement légère », explique la firme dans son communiqué.

On ne dispose pas encore de données concernant la récupération d'énergie, ni si la Chaparral sera inscrite en catégorie 2, 4, 6 ou 8 MJ d'ERS. Michelin a par ailleurs été retenu comme équipementier pneumatique, il produira des enveloppes spécifiques à la 2X.

chaparral,scott speed

En découvrant les premières images fournies par Chevrolet, la première impression est que la Chaparral Racing 2X relève un peu de la science-fiction.

Comme ses illustres ainées, la Chaparral 2X bénéficie d’une aérodynamique particulièrement travaillée. Poussant un peu plus loin un concept ébauché sur la 2H, la position du pilote rompt radicalement avec tout ce qui se faisait jusque là, puisque ce dernier est allongé à plat ventre avec les bras étendus devant lui, plus proche d’une position « moto » que de celle d’une voiture de course traditionnelle.

chaparral,scott speed

Parmi les pilotes pressentis on relève les noms des américains Scott Speed mais aussi celui de l’ancien champion de ski Bode Miller dont ce serait la reconversion. Mais Miller devra encore obtenir sa licence pour conduire au Mans, ce qui semble loin d’être acquis...

On ne peut que se réjouir du retour de cette marque fétiche, on a hâte de revoir les «oiseaux du désert » limer à nouveau le bitume de la Sarthe.

- Illustrations ©DR

chaparral,scott speed

le New Look

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memorytso,memories that stand out

 

L'été (1) est une période propice aux grands dépoussiérages. « Memories that Stand Out » vient tout juste de fêter ses trois ans, ce qui est peu et beaucoup à la fois.

Le moment est venu de repartir sur une nouvelle présentation, de se projeter vers une audience élargie à de nouvelles générations, en continuant bien entendu à garder l’œil sur le rétroviseur...

Les réglages dus à ce changement, cadrages, photos à la une, légendes,... devraient être finalisés vers le milieu du mois d'août. Après cette date, j'incite les très talentueux lecteurs de ce blog à signaler via un commentaire les anomalies détectées, la meilleure intervention se voyant récompenser par un objet fétiche (2) venu tout droit du Texas, plus précisément du Petroleum Museum de Midland et ayant pour thème... Chaparral, on ne se refait pas !

J'en profite pour solliciter à nouveau les contributions extérieures, tenir un site est beaucoup plus énergivore que de glisser quelques photos sur FB, que ceux qui auraient des difficultés avec l'orthographe se rassurent, la correction de quelques fautes n'est pas la partie la plus difficile du travail d'un teneur de blog.

Donc, Ladies and Gentlemen, Start your Engines  !

Et d'ici là, excellentes vacances.

 

(1) Ou peut-être le printemps...

(2) Exact replica of the 1964 Chevy-Powered Chaparral Team %%%

Francis Rainaut

Monza, 5 septembre 1970 (*)

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Parcourant le net, nous avons retrouvé le très beau texte de John Miles, paru jadis sur MdS et qui relate la fin de Jochen Rindt le 5 septembre 1970. Ce texte, comme Jochen, mérite de ne pas tomber dans l'oubli.

(*) Réédition

 

    « Le soleil était bas lorsque le Trident British Airways, vol 062, atterrit à l’aéroport de Milan Linate le jeudi 3 septembre 1970. Il faisait chaud et humide, comme il semble que ce soit toujours le cas en Italie. Je jetai un œil dans le cockpit baigné de pénombre où le pilote et le co-pilote remplissaient leurs plans de vol de retour. Ils seraient à la maison ce soir, les veinards.

Jochen était au sommet. Il régnait sur le championnat du monde. Sa confiance était inébranlable. Il venait de marquer une fantastique série de victoires qui avait débuté à Monaco sur une Lotus 49C, puis sa nouvelle 72 s’était mise à voler. Victoires à Zandvoort, Charade, Brands Hatch et Hockenheim. Jochen Rindt semblait indestructible, vu de l’extérieur.
Mais il ne faut pas se fier aux apparences. J’avais le sentiment que nous avions essuyé trop de casses. Les modifications constantes et les mises à jour – auxquelles s’ajoutaient la surcharge d’une troisième auto pour Emerson Fittipaldi – étaient le signe d’une activité frénétique et engendraient trop de fatigue chez les mécanos. On ne pratiquait pas comme ça chez nos concurrents, me semblait-il. Une intuition trottait dans ma tête, me disant que les choses ne se passeraient peut-être pas aussi bien durant ce week-end.

La 72 avait commencé sa carrière entachée de deux défauts de base : une anti-plongée excessive qui agissait sur les freins en les bloquant, et un anti-patinage également trop prononcé engendrant une traction trop faible. Une fois supprimés les systèmes « anti », la voiture a vraiment bien marché – car le reste était parfait.

Mais, mon Dieu, qu’elle était fragile ! Nous étions sans arrêt en train de la rafistoler. De plus, le fait de ne pouvoir garder un moteur intact me frustrait (on sut après qu’il y avait un défaut de lubrification). Sur l’Osterreichring, deux semaines avant Monza, un axe de frein s’était rompu sur ma voiture, manquant de peu de me précipiter contre un arbre. Une vibration horrible s’était déclenchée au début de la course. Quand je freinais, la voiture se déportait sans prévenir sur la droite et m’envoyait me bagarrer avec les virages – heureusement que mon ange gardien y veillait. C’en était assez. Chaque fois que je montais dans 72/R1, le moteur pétait ou quelque chose cassait.

rindt4.jpgJ’avais demandé à la merveilleuse Trish, du Team Lotus, de me réserver une chambre calme à l’arrière de l’Hôtel de la Ville, afin d’en finir avec les lumières des feux de signalisation et des courses de mobylette toute la nuit. Je n’ai pourtant pas fermé l’œil, n’arrêtant pas de songer à Bruce McLaren, Piers Courage et Paul Hawkins. Piers venait juste de me doubler quand il s’est crashé. Et maintenant je suis à Monza, théâtre de combats de titans, fief des tifosi. Je n’aime pas cet endroit. Est-ce un circuit automobile ou une arène de chars, style Ben-Hur ? Quelle est la différence ?

Vendredi matin. Il y avait une superbe suspension dans la salle à manger et un lot de boiseries anciennes. N’ayant pas aperçu Jochen au petit-déjeuner, je suis parti au circuit, seul. Les tifosi était déjà à l’œuvre, tentant d’escalader les grillages. L’un avait du sang sur les mains. Aucun camion Gold Leaf Team Lotus n’était en vue. Pas de chef mécano Gordon Huckle, ni Dave « Beaky » Sims, non plus Eddie Dennis. Tous les autres étaient là, par contre. Graham Hill avait essayé sa Lotus 72 Rob Walker plus tôt dans la semaine ; je notai ses spécifications aérodynamiques : ailerons avant plats et section centrale de l’aileron arrière à trois plans ôtée.

Le camion Lotus arriva au paddock peu avant la première séance d’essais. Les gars venaient de s’envoyer 48 heures de route non-stop. Ils avaient l’air épuisé. Ils avaient fourni une grosse somme de travail depuis le GP d’Autriche, outre une 72 à assembler pour Emerson. Les gars étaient en train de régler les rétroviseurs, installaient le siège d’Emerson et faisaient les pleins.

Drôle de façon de gagner un championnat du monde, lance Phil Kerr, le team manager de McLaren, alors qu’il passe près de moi. Je suis convoqué au centre médical. Typique absurdité italienne : on me fait mettre sur une jambe, les bras écartés, les yeux fermés. Je n’ai jamais compris pourquoi. Dingue ce truc.

Jochen semblait en forme. Il savait le championnat dans sa poche. Nina, son épouse, était là comme d’habitude. Autour de Jochen flottait en permanence comme un air d’urgence. Il explosait très vite. Il détestait les essais ; j’adorais ça. En ce qui me concernait, ma conception du paradis était de tourner à Silverstone pour améliorer une auto. Une auto bien réglée va vite sans faire prendre à son pilote beaucoup de risques. Jochen et moi étions en retard après la première séance d’essais : dans les 1,28 alors que Jacky Ickx était à 1,24.6 en compagnie de Clay Regazzoni et Jackie Stewart dans les 1,25 sur sa Tyrrell 001 dont c’était la première sortie. Mais c’est dans la deuxième séance que les choses se sont sérieusement gâtées.

Jochen et moi travaillions sur la vitesse de pointe et nous en étions plus ou moins arrivés aux même conclusions que Graham Hill : ailerons avant et arrière plats, volet central de l’aileron arrière enlevé. Il restait environ une demi-heure d’essais. Les Ferrari était devant en 1,24, nous étions deux secondes derrière. Jochen s’arrête au stand pour réclamer davantage de vitesse de pointe. Il avait failli gagner ici l’an dernier sur une Lotus 49 dépourvue d’ailerons. Il exige qu’on ôte ses ailerons.

Nouvelle image.pngC’est le seul moyen d’aller vite sur ce toboggan, dit-il à Eddie Dennis, son mécano. J’avais perdu un temps fou dans le deuxième Lesmo à cause de la sortie qui est aveugle et qui commande le bout droit menant à l’ultra-rapide courbe Ascari (une chicane maintenant) et à la longue ligne droite qui va vers la Parabolique.
C’est alors que j’aperçus Jochen dans mes rétroviseurs. Il restait environ une demi-heure à tourner. Il y avait quelque chose de changé sur sa voiture. J’ai ralenti. Il est passé sous le pont de l’anneau de vitesse dans l’habituel environnement de bruit et de turbulences. Dans Ascari sa voiture était comme folle : l’arrière zigzaguait, elle utilisait toute la piste, même le tarmac où le circuit junior rejoint le grand circuit. Nous nous sommes arrêtés tous les deux au stand. Jochen avait fait 1,25.7, moi 1,26.5. Il était de 500 à 600 tours plus vite en ligne droite sans ailerons. Il voulait maintenant une très longue 5e vitesse pour exploiter au mieux le super DFV à 10 500 tours qu’on lui installerait pour le samedi.

La vision de sa voiture très instable sans ailerons m’avait convaincu de garder les miens. Une conversation que je n’oublierai jamais s’ensuivit alors. Avant que j’aie pu dire quoi que ce soit, un ordre fusa de Colin :

Enlevez les ailerons de la voiture de John ! J’ai répliqué par la négative.
Colin a insisté :

Virez-lui ses ailerons ! Confronté à ce genre de situation, je me fie toujours à mon instinct. La méthode la plus lente est souvent la plus efficace, se plaît à dire Jackie Stewart.

J’avais une idée de ce qui m’attendrait sans ailerons, car même avec ses appuis, ma voiture était très nerveuse. Dans le premier virage, la Curva Grande, l’arrière partait, ainsi que dans Lesmo. Il n’y avait aucune adhérence. Pour la première fois, j’avais peur dans une voiture de course. Les essais se sont achevés. Jochen et moi étions respectivement 6e et 11e. Emerson était en 1,28 mais sa 72 était en panne quelque part sur la piste. Encore un pépin de plus.

En ce temps-là, l’effectif du Team Lotus se montait à 12 personnes. On n’avait pas encore entendu parler de motor-homes ; les débriefings avaient lieu à l’arrière du camion.

La seule façon pour toi de faire du bon boulot est d’enlever ces ailerons, avait renchérit Colin, ce à quoi je m’opposai.

On construisait des voitures avant que les ailerons n’apparaissent, tenta de me rassurer Colin.
Oui mais il me faut du temps pour régler l’auto, répliquai-je, à quoi Colin, têtu, avait répondu :

Tu tourneras demain sans ailerons.
Je ne veux pas.

C’est un ordre, tu le feras !
Et le dialogue s’est arrêté là.

Jochen_Rindt_mit_Colin_Chapman_in_Zeltweg_im_Jahr_1970.jpg


Je me sentais mal. Etre en désaccord avec l'homme qui m'avait tant aidé ne me mènerait nulle part. Toutefois je savais mes jours comptés chez Lotus. Jochen, lui, était optimiste. Il avait réussi à régler la voiture sans ailerons en moins d'une heure et il se sentait capable d'en maîtriser l'instabilité. Pour ma part, j'estimais le risque trop grand. Nous n'avions pas la moindre idée du comportement aérodynamique de cette auto privée de ses ailerons. Je n'aimais pas cette approche irréfléchie du problème.

J'avais abandonné Dave à sa check-list : réglages des sièges, rapports de boîte, etc. Je lui avais rappelé mon opposition formelle à la suppression de mes ailerons, mais je m'attendais au pire. J'ai quitté le paddock, ai passé une bonne nuit, et le lendemain, je suis tombé sur Jochen et Peter Gethin prenant leur petit-déjeuner. Nous avons causé ailerons. Stewart avait été sacrément rapide sans les siens, je suis sûr qu'il avait fait des essais ici même dans la semaine. La plupart des autres pilotes tournaient avec de l'appui.

Ne t'inquiète pas, John, ça va aller, me fait Jochen. Alors qu'il ne restait qu'une séance d'essais ? J'en doutais. Je voulais faire les choses à ma façon.

Samedi matin, l'équipe Lotus paraissait plus sereine. Bien entendu, on avait ôté les ailerons de ma voiture.
Désolé John, le Vieux m'a donné des ordres, s'est excusé Dave.

J'avais perdu le contrôle de ma prise de risque. La journée s'annonçait belle. Jochen a pris la piste dès le début des essais. Dave finissait de faire le plein de ma voiture. Il avait modifié mon siège, ainsi que je le lui avais demandé. Dix minutes après, mécontent de mon sort mais confortablement sanglé, je quittais le paddock en roulant au pas en direction des stands.


Ces DFV était tellement souples, dociles. Avant d'avoir gagné la ligne des stands, je me suis rendu compte que les bruits de moteurs avaient cessé, seuls quelques borborygmes de Cosworth s'étouffant au pied des mécanos troublaient le silence qui s'était abattu sur Monza.
Bizarre. Soudain, Colin, l'ingénieur Maurice Philippe et Dick Scammell se sont matérialisés devant moi, surgissant de la foule qui encombrait les stands.

Jochen a eu un accident. Va voir sur place ce qui s'est passé ! lança Colin.

Mon Dieu ! Que s'est-il passé ? Que puis-je faire ? J'aurais voulu rentrer dans un trou de souris. J'ai été soulagé quand les commissaires ont refusé que je prenne la piste. Bernie Ecclestone, le manager de Jochen à cette époque, suivi d'Eddie Dennis, ont cavalé comme des fous vers la Parabolique. Jochen avait été extrait de l'épave de sa voiture lorsqu'ils y arrivèrent. Un commissaire leur fit un signe qui indiquait le pire. Ils eurent le sentiment que son esprit n'était plus là, qu'il s'était envolé.
Eddie a ramassé un morceau de disque de frein, et l'a balancé au loin. Il a trouvé une des chaussures de Jochen et aussi son casque. Tout l'avant de la voiture était parti. La voiture avait quitté la piste sur la gauche, heurté le rail et explosé dessus. Jochen n'était pas attaché.

On l’a trouvé tellement enfoncé dans le cockpit que la boucle du harnais de sécurité était enroulée autour de son cou. Tout le monde s'est figé. Même les tifosi avaient fait silence. Une autre catastrophe pour Lotus à Monza, là où ils saisissent les autos et traînent les gens devant les tribunaux. Graham et Rob Walker ont rentré leur auto au garage ; Dick Scammell et moi leur avons emboîté le pas, en refermant le rideau presque complètement derrière nous, de façon à ne laisser filtrer de l'extérieur qu'un mince trait de lumière.

Il ne restait rien de l'avant de la voiture de Jochen.
Regardons les choses en face, il est mort, a murmuré Dick.

Il savait déjà car il avait vu le corps de Jochen transporté dans l'ambulance. J'étais terriblement bouleversé, mais aussi quelque part soulagé, comme si j'avais joué à la roulette russe et en avais réchappé. Graham avait souvent été de bon conseil envers moi. J'aimais son approche sensée et raisonnable de ce sport, analogue à la mienne. Mais là, dans cette lumière glauque, il semblait ailleurs ; il a demandé à Rob quand les essais reprendraient.

Il n'y aura pas, bien entendu, de départ à Monza pour le Team Lotus. Aux alentours de cinq heures, la mort de Jochen était officielle et toutes les 72 furent embarquées dans les camions. Je suis rentré à l'hôtel où j'ai vu Nina Rindt en plein désarroi, soutenue par son père, Kurt Lincoln, et par Helen Stewart. J'avais voulu dire quelque chose mais je n'y suis pas parvenu. J'ai dîné, ce soir-là, en ville avec Emerson et des membres de sa famille. Puis j'ai appelé Chris, mon épouse, et je me suis mis au lit.

Piers Courage, Bruce McLaren, et maintenant Jochen Rindt. Sans compter les pilotes moins connus qui sont morts durant cette période et qui n’étaient pas moins importants à mes yeux. Voilà un sport que j’avais toujours rêvé de pratiquer, étant gosse, et qui se changeait aujourd’hui en une histoire d’amour tournant au vinaigre.

miles70.jpgNous ne saurons jamais ce qui s’est réellement produit. On a trouvé l’arbre de frein avant-droit cassé. Une rupture nette tendrait à suggérer que la pièce a cédé dans le choc contre le rail ; une rupture de torsion serait à porter au compte de l’arbre de frein lui-même, qui en lâchant, aurait déséquilibré la voiture sur la gauche, comme la mienne l’avait été sur la droite lors de mes ennuis en Autriche. Denny Hulme a témoigné que la Lotus avait oscillé sur la piste avant de virer sur la gauche. Une pièce s’est-elle cassé, ce qui aurait contraint instinctivement Jochen à donner un coup de volant tout en freinant ? Il avait monté des pneus usagés, et d’autre part, il avait des plaquettes neuves.
On peut aussi imaginer que la balance des freins n’avait pas été adaptée à la faible adhérence du train arrière engendrée par l’absence d’ailerons, ce qui a pu l’envoyer direct dans le rail quand il a freiné. On a raconté aussi que Jochen avait été mis en garde par des membres de l’équipe Lotus qui s‘appuyaient sur mes dires, du risque encouru à tourner sans ailerons.

Des pièces cassent sur les voitures de course. Je pense que c’est ce qui s’est produit. Je n’imagine pas que Jochen ait fait une faute, même sur une auto aussi difficile à mener. J’ai pris le bus pour rejoindre l’aéroport, le jour de la course, avec Bernie Ecclestone. Il était à la fois très éprouvé et en colère. Il semblait vouloir désigner des responsables. Une semaine plus tard, le team manager Peter Warr et Maurice Philippe, déguisé en mécanicien, se sont introduits dans l’enceinte où était entreposée la Lotus accidentée et en ont prélevé le moteur, lequel n’était pas concerné dans l’enquête. Ce DFV fut installé dans la 72 d’Emerson et a gagné le GP des USA quatre semaines après.

J’ai rencontré Colin peu près ce drame. Il était évidemment très affecté et m’a dit que Lotus manquerait le GP du Canada pour se réorganiser. Il m’a donné son accord pour aller au Mans faire quelques prises de vues (John Miles avait collaboré au film Le Mans). Deux semaines après, je reçus un appel de Peter Warr m’informant que Reine Wisell me remplaçait. J’en ai été très chagriné sur le coup, mais rétrospectivement Colin avait sans doute raison. L’équipe avait besoin de nouvelles têtes, pas de quelqu’un dont la confiance était au plus bas. Au Glen, Emerson et Reine firent du bon boulot, en arrivant premier et troisième. La Lotus 72 avait commencé à rembourser ses dettes.

Une de mes meilleures décisions fut de décliner, ce même week-end, le volant d’une Lotus 70 F5000 d’usine à Brands Hatch. Alan Rollinson l’a conduite et l’auto a cassé, l’envoyant dans l’herbe un peu avant Hawthorn !

En ce qui concerne 72/R2, la voiture de Jochen, des rumeurs prétendent qu’elle serait détenue par un particulier en Suisse. J’espère, pour ma part, que ce qu’il en reste est parti là où est sa vraie place – dans un broyeur. »


Un texte de John Miles pour ITV Television (1999), traduit par Patrice Vatan

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La Lotus 72 de John Miles sans ses ailerons

 - Voir aussi: Autodromo Nazionale di Monza

Stirling Moss, « Le Gars en Or »

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L'actuel doyen des pilotes de Grand Prix, Sir Stirling Moss, OBE,  fête aujourd'hui ses 86 ans.

Dans son numéro de juin 1963, la revue Motor Sport publie un article signé Denis Jenkinson juste après que Moss ait décidé de mettre un terme à sa carrière, conséquence de son terrible accident de Goodwood l'année précédente.

Nous avons voulu, à l'occasion de l'anniversaire du pilote anglais, lui rendre un vibrant hommage en publiant l'article de son ami Jenkinson traduit en français.

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Sept. 1948, Cooper midget T43, Moss 1st victory © Getty Images

  par Denis Jenkinson

     « Au cours des douze derniers mois, on m’a souvent demandé « Comment va Stirling Moss, est-ce qu’il recommencera un jour à courir ? », et tandis que certains parmi ces poseurs de questions faisaient cela uniquement parce que c’était à la mode de le faire, et que Moss c’était l’actualité, il y avait malgré tout un grand nombre de personnes issues de tous les coins de l’Europe qui étaient parfaitement sincères. Cela allait de gens qui connaissaient Moss, comme les mécaniciens de Maserati, à ceux qui ne l’avaient jamais rencontré, mais l’avaient admiré depuis les tribunes ouvertes au public, comme ce petit groupe de Belges enthousiastes qui me sollicitèrent pour lui transmettre leurs vœux de prompt rétablissement.

J’ai rencontré à travers toute l’Europe des gens qui étaient sincèrement inquiets de l’avenir sportif de Stirling Moss, et j’ai toujours répondu, en croisant les doigts, « J’espère qu’il courra à nouveau. » Au bout d’un moment j’ai changé cela en « S’il courre à nouveau » et désormais, comme nous le savons tous, je dois avouer « Il ne courra plus jamais. » Avec l’annonce officielle de sa retraite sportive, qui fait suite à des essais effectués au volant d’une Lotus 19, la course automobile n’a pas seulement perdu l’un de ses meilleurs pilotes, elle a aussi perdu le modèle que tous les concurrents cherchaient à imiter.

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May 1955, Mille Miglia victory with Denis Jenkinson© Keystone/Getty Images

 

La plus grande qualité de Moss fut incontestablement de ne jamais connaître de « jour sans »; il était toujours au meilleur de sa forme et dans la mesure où la voiture était au point, c’est lui qui devenait la référence au moment même où il débutait ses essais. On pourrait écrire des pages entières sur Moss et ses capacités de pilote, au volant de n’importe quelle voiture, sur n’importe quel circuit, il est fort probable que beaucoup le feront, certains qualifiés pour cela, d’autres beaucoup moins, mais on se souviendra toujours de lui pour sa façon de ne jamais rien lâcher pour obtenir un résultat.

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2 Sept. 1956, Monza. 1st Moss, 2nd Fangio© Getty Images

 

Certains font référence à Moss comme étant « le maestro » mais pour moi il ne pourra jamais le devenir car il n’a jamais eu le temps de devenir mûr, il a toujours été jeune et « maestro » sous-entend âge, compétence, sagesse et capacités. Moss possède la plupart de ces qualités et une large expérience mais quelque part il n’a jamais montré une personnalité ou un comportement de vrai « maestro » comme a pu le faire Fangio. Quand j’ai rencontré pour la première fois à Lisbonne en 1955 le regretté Mackay-Fraser (1) nous avons passé une soirée en compagnie de Moss, et ce fut l’habituelle soirée animée, avec Moss infatigable jusqu’à 2 heures du matin, heure à laquelle il s’arrêta instantanément pour aller se coucher, pendant que Mac et moi étions heureux de nous laisser aller encore une heure et de se relaxer doucement après un ou deux derniers verres.

(1) Connu sous le surnom de ‘Mac’, le pilote américain Herbert Mackay-Fraser fut le premier à perdre la vie au volant d’une Lotus, le 14 juillet 1957. (NdT)

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 14 May 1961, Monaco, Lotus-Climax 18  © DR

 

Pendant tout ce temps, Mac parlait de Moss comme d’un « Gars en Or » (2) et j’ai toujours pensé que cette appellation était tout-à-fait appropriée. Il n’était pas l’égal de Fangio, étant suffisamment jeune pour être son fils, mais il dominait déjà de la tête et des épaules le reste de ses contemporains. Pour moi Fangio était le véritable « maestro » mais Stirling Moss restera toujours « Le Gars en Or ». Nous avons maintenant derrière nous douze mois de compétition depuis sa dernière course, théâtre de son accident, et on s’est désormais habitué à son absence des grilles de départ. Mais pour ceux d’entre nous qui ont vu Moss à son meilleur niveau - auquel il était la plupart du temps - et à mesure que les nouveaux pilotes établissent de nouveaux records ou réalisent des exploits remarquables, il ne faut jamais oublier de garder notre sens de la mesure lorsque l’on comparera les anciens et les nouveaux.

(2) « Golden Boy » dans le texte original en anglais. (NdT)

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 17 Jul. 1961, Gallery of Champions © Getty Images

 

J’écris ceci à la veille de l’épreuve des 1000 km du Nürburgring, une épreuve au cours de laquelle Moss réalisa deux années de suite des choses en apparence impossibles au volant d’Aston Martin quand il dut composer avec des équipiers moins expérimentés (3), avant d’effectuer le « had-trick » lors de la troisième tentative, secondé alors par un brillant Gurney. Le circuit de l’Eifel fut également le théâtre d’un de ses plus grands triomphes lorsqu’il remporta le Grand Prix d’Allemagne avec sa Lotus-Climax obsolète, battant l’équipe Ferrari toute entière grâce à l’habileté de son pilotage, mais comme je l’ai évoqué un petit peu avant, on pourrait écrire un livre tout entier su le sujet.

(3) 1958, Jack Brabham qui découvre l’Aston Martin et le Nürburgring, 1959, Jack Fairman. (NdT)

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20 Apr. 1962, Goodwood, Stirling Moss, Lotus-Climax© Getty Images

 

Il a été forcé de se retirer de la course auto pour les raisons qui ont obligé beaucoup de coureurs à le faire avant lui : sa vision est déficiente, sa capacité de jugement affaiblie, sa concentration ne tient pas très longtemps, ses réflexes sont passablement émoussés et enfin son adresse et sa dextérité ne sont pas au niveau où ils devraient être. Toutes ces choses surviennent habituellement chez un homme  lorsqu’il atteint un âge avancé, parfois 45 ans,  peut-être 55 ans, mais pas 33 ans.

En un instant fugace Stirling Moss est devenu subitement un vieil homme, du moins au regard des exigences requises pour faire partie du cercle des meilleurs pilotes de Grand Prix, tout cela dans un accident survenu lors d’une petite course insignifiante qui ne représentait pas beaucoup plus qu’une rencontre de club ou une petite épreuve sur terre, ce qui à mes yeux constitue le coté le plus désolant de toute cette histoire. »

traduit par Francis Rainaut

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Paris 2009 © F.Rainaut

La Fureur de vivre

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Parcourant la toile, nous avons retrouvé ce texte de Jean-Jacques Ardouin, le meilleur ami de François Cevert, un texte publié jadis sur Mémoire des Stands. A lire à 160 (ou bien 170) km/h, c'était ça les années soixante !

 

Parly II, banlieue Ouest de Paris, 31 décembre 1967. 19 heures, à 5 heures de l'an neuf.

Chez Hervé Boussac, un copain de François. Ce dernier partage un appartement avec lui depuis qu'il nous a « délaissés » Françoise et moi. C'est vrai que nous étions jeunes mariés… Il y a Hervé, François, son amie du moment, Françoise et moi (Nanou n'est pas là, elle doit être au ski avec son fils Frankie).

François, à Françoise et moi :

  - Que faites-vous pour le réveillon ?

Nous :

  - Rien de spécial.

François et Hervé :

  - Si on faisait ça ensemble ?

  - Avec plaisir !

François :

  - Si tu veux Jean-Jacques, on va faire les courses ensemble au centre commercial Parly II avec mon auto, je vais te faire « essayer » une 1300 S d'usine… Une vraie bombe !

  - Oh oui... Tu parles que je veux y aller, faire les courses du réveillon en berlinette d'usine. C'est le must d'Alpine.

Nous sortons de l'immeuble, il pleut, une espèce de bruine verglaçante. Je manque de me casser la gueule à pied, alors en Alpine pilotée par le fou furieux que je connais, vous imaginez mon mouvement de recul ! Enfin on a sa fierté, je biaise, des fois qu'il prendrait conscience de la réalité, pour une fois.

  - T'as vu le temps ? T'as des pneus clous, neige ?

  - Pourquoi faire ?  

Il est sincèrement surpris de ma question, le bougre. Bon... mais je ne suis pas rassuré du tout. Il y a une espèce de glace instable, mi-flotte, mi-glace. Dès que la bruine touche le sol, elle gèle. Je ne vais quand même pas larguer. Faut voir, je n'en suis pas loin.

On se love dans la berlinette (spartiate la berlinette, une auto façon boîte à cirage, pédalier percé, etc.), juste deux places, le cul au ras du sol, le moteur central arrière, juste derrière les baquets, histoire de vous chauffer les reins et les oreilles. Elle est bleue... Alpine. Normal.
François fait monter la mécanique en température par quelques coups secs d'accélérateur. Il avait tendance à être respectueux du matériel. Le bruit caractéristique du moteur de la berlinette, genre abeille énervée, avec un échappement sympa qui démarre onctueusement pour vous vriller les tympans à l’approche de la zone rouge du compte-tours mécanique.

Il démarre plan plan, rien d'extravagant, ça me rassure, il semble devenu raisonnable. On sort de la résidence façon chauffeur de grande livrée, arrivons au carrefour (sans doute un rond-point aujourd'hui) juste à la sortie de l'autoroute de l'Ouest. Là, il y a une trois voies assez large qui descend vers le centre commercial de Parly II, à l'époque tout neuf. Il s'infiltre gentiment dans la circulation. Une voie descendante avec du monde, la voie montante itou, voie centrale déserte à cause du temps. Il y a quand même du trafic, on est à cinq heures de la nouvelle année.

D'autorité, il prend possession de la voie centrale et là, il fait donner la cavalerie : 1ère, 2e, 3e, le tout à la limite du surrégime, les vitesses passent à la volée, les voitures montantes arrivent de plus en plus vite. Les balais d'essuie-glaces font ce qu'ils peuvent et ils peuvent pas assez à mon goût. Au ras du sol, aveuglés par la lumière des phares montants à hauteur de mes yeux, lumière qui de plus se reflète sur la route mouillée, que j'imagine verglacée, nous déboulons en pleine circulation entre deux murs d'autos à 160 ou 170 km/h. En fait, je ne sais pas à combien, mais fort, trop fort. Je n'y vois rien, je ressens, j’entends, je subis (comme tout motard, j'ai toujours eu une sainte horreur de me faire conduire), le bruit est assourdissant. Il aurait dû nous mettre la Chevauchée des Walkyries pour faire bonne mesure. François était un inconditionnel de la trilogie.

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Je commence sérieusement à pétocher. C’est dantesque. Il veut visiblement m'impressionner et parvient à ses fins. J'ai la sensation qu'il est en transe. En fait non, il est juste bien. 4e, à mi-régime, ce qui devait arriver arrive, la berlinette qui a encore du couple perd un peu d'adhérence, décroche, survire à mort et durant des dizaines de mètres, plutôt des centaines de mètres, interminables, on va glisser en travers, à pratiquement 90°, en doublant les autos de la voie descendante sur la voie centrale ! C'est simple, la tête dans l'axe de l'auto, je voyais défiler les conducteurs des voitures doublées qui me regardaient avec un air complètement effaré.

   - François arrête de faire le con, tu vas nous tuer !

Ce sont mes mots, des mots qui résonnent encore aujourd'hui dans ma tête. J'ai vraiment la sensation qu'on ne va pas finir l'année.

  - Mais non...  me répond-il, en plus sur un ton réprobateur, comme vexé de mon manque de confiance. Imperturbable, hyper-concentré, comme s'il sentait chaque millimètre de gomme tenter de s'accrocher à l'asphalte, il contrebraque... Trois, quatre coups de volant, violents, parfaitement dosés et il remet l'auto en ligne. Mais ce n'est pas terminé. Il y a une suite... A peine en ligne, il remet le pied dedans, mais dedans dedans, sans l'ombre d'une hésitation, 2e, 3e, 4e, le moteur hurle, ça vibre, ça rage et rebelote, la glissade. Au final, par chance on ne touche rien, sauf que l'auto s'échoue sur le gazon d'un terre-plein, les quatre jantes explosées par le trottoir.

La suite... j'ai rien bouffé de la soirée et lui il rigolait de ma trouille, le salaud... S'il avait un défaut, c'était celui-là. Il riait volontiers des réactions de l'autre, surtout s'il avait provoqué une situation que lui dominait et l'autre moins, mieux encore, pas du tout. Ce devait être sa façon de montrer sa supériorité.

un texte de Jean-Jacques Ardouin

- Illustrations ©DR

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Voir également :

- Ma saison à émotion

- C'était il y a 39 ans, c'était hier.

En souvenir de Günnar, par Mario Andretti (*)

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Günnar Nilsson aurait eu 67 ans aujourd'hui.

Le pilote suédois a remporté sa seule et unique victoire en Grand Prix à Zolder le 5 juin 1977. Pour évoquer sa personnalité et son souvenir, qui de mieux placé qu’une des légendes de la course automobile, Mario Andretti, ancien coéquipier de Günnar chez Lotus ?

(*) réédition

gunnar nilsson,mario andretti

 

Par Mario Andretti (traduit par Francis Rainaut)

« Günnar était un esprit libre, un individu vraiment agréable dont il était facile d’être ami. Nous aimions bien ce mec, la famille aussi. Il est rare d’avoir un coéquipier avec qui vous passez pas mal de temps en dehors des week-ends de course. C’était quelqu’un qui comptait beaucoup pour nous, oui réellement, vraiment beaucoup.

Je me rappelle être allé en Suède… et avoir passé du bon temps avec lui là-bas. Bien sûr on devait effectuer des essais, mais étant sur place pour une semaine et demi, nous pouvions aussi vadrouiller et draguer un peu, en quelque sorte.

gunnar nilsson,mario andretti

Il devint un véritable ami. Entre lui et Ronnie (Peterson) je vous laisse imaginer ! J’avais l’habitude de les appeler les « branleurs Suédois ! ». C’était une relation très affectueuse que nous avions ensemble. C’est juste incroyable que nous ayons perdu Günnar de cette façon là. C’est réellement … Bref c’est injuste.

Ce n’est pas très courant d’avoir ce type de relation avec votre coéquipier. Nous nous entendions très bien malgré notre différence d’âge. Je souhaitais vraiment qu’il réussisse. Je voulais intervenir et faire quelques ‘critiques’. Je me rappelle en avoir eu l’occasion au Japon, au Fuji en 1976. C’était pendant les essais. J’étais garé au bord du circuit et je le regardais tourner. Il brutalisait vraiment la voiture et perdait ainsi beaucoup de vitesse.


Je lui ai alors suggéré quelques ‘trucs’ et il gagna ainsi une demi seconde au tour. J’avais plus d’expérience qu’il pouvait en avoir et j’étais totalement prêt à lui en faire profiter. Je voulais juste l’aider à déployer ses ailes. Il y eut une discussion précise au sujet de sa venue à Indianapolis où je pourrais également l’aider. Je souhaitais qu’il essaie tout ça.

Günnar vint en Amérique et couru en IROC en 1978, et il le fit vraiment bien. Ce furent les trois dernières courses qu’il fit avant que la maladie ne prenne vraiment le dessus. J’estime qu’il avait incontestablement le talent pour réussir à Indianapolis, c’est sûr. Avant lui j’étais très copain avec Clay Regazzoni et c’est moi qui lui suggéra de venir à Indy, ce qu’il fit.  Mais ce ne fût pas une grande réussite.

gunnar nilsson,mario andretti

Avec Günnar cela commença à la fin de la saison ‘77. Il y avait quelque chose qui n’allait pas car il logeait ici dans ma maison de Nazareth et nous étions en train de voyager. Je crois que nous nous rendions au Japon. Et il ne se sentait pas bien. Nous ne savions pas quoi faire. C’est vraiment à ce moment-là que cela a commencé et tout-à-coup les choses se sont mises à s’accélérer. Il fut alors dépassé par tout cela en un temps relativement court.

gunnar nilsson,mario andrettiNous étions en 1978, et Ronnie était maintenant mon coéquipier. Günnar était malade, mais personne d’entre nous ne savait réellement à quel point. Puis ce fut l’ ’International Trophy race’ à Silverstone. Je suis sorti de la route très tôt, et j’ai alors décidé de partir et d’aller voir Günnar à l’hôpital. Le cancer avait pris le dessus. Il avait l’air si différent. Je fus anéanti de voir ça.

C’était un homme encore jeune, avec encore tellement à vivre, un grand avenir devant lui et le voir ainsi décliner. C’était… de toute évidence déchirant. Je veux dire que c’est la pire sensation que vous ne puissiez jamais avoir. Il était comme un membre de la famille. C’est une de ces profondes, profondes sensations… Les choses ne sont plus jamais les mêmes quand vous perdez cela.

 

gunnar nilsson,mario andrettiMon meilleur souvenir de Günnar ? J’en ai tellement. Quand nous devions courir aux US, il venait habiter dans ma maison et nous montions alors au lac – notre spot de ‘vacances’ si vous voulez. Il est situé à environ 70 miles de l’endroit où je vis et j’y ai tous mes jouets. Ronnie était là-bas, mon fils Michael également. Nous avions de motos – nous avons tout ce que vous pouvez imaginer comme sortes de choses pour vous amuser.

Michael, qui était encore un gamin, faisait des courses avec. Je courrais avec des engins à quatre roues. Nous allions faire du ski nautique et jouer au tennis. Notre objectif était juste de lui faire mordre la poussière vous savez. Vraiment de l’épuiser ! Nous avions ce genre de détentes. J’ai des photos de ces moments-là, tous ensembles.

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C’était juste merveilleux d’être avec lui. J’ai également passé des moments très forts avec lui en Suède. Il faut que je vous raconte cela ! Je me rappelle quand nous y étions, bien sûr il avait sa BMW, et nous avions pas mal de verres dans le nez. Et les lois en Suède à ce sujet sont strictes, très strictes.

Pour en revenir à cette histoire, même si vous êtes passager vous êtes responsable, aussi j’ai estimé que j’avais bu quelques verres… mais que j’étais ok. Bon, je suis maintenant en train de conduire et là  il est sorti de la voiture et s’est mis à marcher à coté de moi. Il ne voulait vraiment pas être pris dans la voiture ! Je me suis alors rangé sur le coté et nous avons trouvé une paire de bicyclettes et nous avons pédalé jusqu’à la maison pendant huit ou neuf miles. Il y avait des choses dingues comme celle-là. C’était juste trop drôle.

gunnar nilsson,mario andrettiIl ne fait aucun doute que la fin de l’année 1978 fut pour moi une arme à double tranchant. J’ai répété cela plusieurs fois. Monza aurait dû être le plus beau jour de ma carrière mais je n’ai pas pu le fêter. J’étais Champion du Monde de Formule 1. Je me rappelle être en train de parler à ma femme sur le chemin de l’aéroport le lendemain de l’accident de Ronnie – et alors j’ai découvert qu’il avait succombé. J’étais tellement « Oh mon Dieu ». Nous allions célébrer ce titre ensemble et jamais, jamais plus évidemment, nous ne pourrions le faire. Cela a pris du temps. Cela mit longtemps à cicatriser, mais ce ne fût plus jamais pareil. Comme je l’ai déjà dis quand vous avez ce type de relation, vous savez cela fait un grand vide quand cela s’arrête.

Et quelques semaines après avoir perdu Ronnie, Günnar s’en allait à son tour. Ce fut vraiment quelques semaines très dures.

Mais il existe aussi la fondation de Günnar, pour laquelle il était vraiment engagé, ce qui a ramené beaucoup d’argent. C’est merveilleux. Cela montre bien combien d’amis il avait, et comment cela a touché le monde des sports mécaniques d’une manière très positive.

Deux grands amis, que je n’ai pas oublié. »

gunnar nilsson,mario andretti

Merci à Mario Andretti.

Merci à Andy Hallbery pour son interview de Mario.

Merci au site http://www.motorsportretro.com/

Merci à « The Cahier Archive» pour les images additionnelles.

1er Janvier 1966: le réveil de la puissance

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mike spence,jim clark,team lotus

Il y a bien longtemps, dans un continent lointain, très lointain...

A East London débute l’ère de la formule 1 trois litres.

C'était il y a tout juste cinquante ans et même si la course ne fit pas officiellement partie du championnat du monde cette année-là, on parla alors de retour à la puissance.

Cette course vit la domination du rusé et pragmatique Jack Brabham au volant de la nouvelle BT19 à moteur Repco, avant qu'il ne soit contraint à l’abandon. La victoire revint finalement à un pilote sous-estimé, pour ne pas dire un éternel second couteau.

Mais qu'aura-t-il manqué à Mike Spence pour devenir un véritable numéro un ?


R.I.P. for the Tyler Man

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bruce mc laren,ayrton senna,tim mayer,denny hulme

Il n'échappera à personne que Tyler Alexander, qui s'est éteint le 7 janvier dernier, était un monument du sport automobile, « l’un des meilleurs de la vieille école : robuste, humble et sage » comme l'a souligné avec justesse Ron Dennis.

Après les disparitions récentes de Teddy Mayer et d'Eoin Young, il restait le dernier membre du quatuor original ayant fondé la firme Bruce McLaren Motor Racing Ltd en 1963.

Tyler Alexander était très probablement un « taiseux ». Eh bien, respectons son silence, et contentons-nous de commenter ces photos qui témoignent d'un demi-siècle de présence sur les circuits.

Francis Rainaut

Cheap Thrills (not so)

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janis joplin,porsche 356 convertible

Une Porsche 356 C convertible de 1964 pour le moins stupéfiante a fait l'automne dernier la une des medias. Une 356 C oui, mais pas n’importe laquelle, celle de la chanteuse Janis Joplin, disparue en 1970.

La Porsche, elle aussi disparue pendant un certain temps, refit finalement surface pour réapparaître en définitive lors de la vente « Driven by Distruption » de RM Sotheby, aussi pimpante qu’elle ne le fut jamais.

Ah, si tous les cabriolets des Rock Stars pouvaient parler…

Francis Rainaut

1966' Grand Prix movie - 4 - Zandvoort

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jim clark,jackie stewart,scott stoddard

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« - Le tout c'est qu'elle démarre.

- Elle démarrera.

- Oui, Roger avait fait des prodiges sur cette voiture...

- Poussez !

Le Grand Prix de Hollande, qui sera couru demain à Zandvoort, sera la première course de Scott Stoddard depuis son accident de Monaco. Ses blessures doivent être encore très douloureuses, enfin le directeur d’écurie Jordan-B.R.M. est résolument optimiste...

Belle rentrée en vérité, pour un pilote plein de courage !  »

par Francis Rainaut

- Voir aussi:  1966' Grand Prix movie - Ouverture

- Voir aussi:  1966' Grand Prix movie - 1 - Monaco

- Voir aussi:  1966' Grand Prix movie - 2 - Charade

- Voir aussi:  1966' Grand Prix movie - 3 - Spa Francorchamps

Mon Rétromobilorama 2016 ...

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Tenir un Blog présente parfois quelques avantages...

Alors, même si « Memories that Stand out » fait nettement moins d'entrées que n'importe quel spectacle de Johnny, il me permet au moins de bénéficier d'une accréditation presse.

Et si on y ajoute quelques efforts de séduction auprès des (charmantes) hôtesses,  on peut parfois gagner le sésame qui permet d'apprécier au plus près les charmes de ces belles qui s'offrent pour quelques centaines de milliers d'euros aux acheteurs fortunés, je veux parler du fleuron de la vente Arcurial bien entendu !

JPB: Mi Temporada 1968 en Argentina

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MI  TEMPO

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MI  RADA...

... C'est à peu près le jugement que porte Jean-Pierre Beltoise sur sa saison argentine 1968.
Vous vous en souvenez, voici deux ans, la Temporada avait été pour lui et Matra un triomphe total, l'équipe française ayant littéralement écrasé l'opposition.

Cette année, ce fut au tour de Ferrari de manifester une nette supériorité.

Et Andrea de Adamich, dont vous voyez ci-contre l'air épuisé mais heureux à l'issue de sa victoire de Cordoba, a remporté le Championnat argentin qui marquait sa rentrée en course après son grave accident de Brands Hatch en mars 68.

Nous avons demandé à Jean-Pierre qui, s'il n'a gagné aucune course là-bas, fut constamment à la pointe du combat, quelles impressions il a retiré de cette tournée d'un mois.

(Fac similé d'un article de la revue « Champion » du 15 janvier 1969)

- Voir aussi:  Beltoise el Ganador (1)

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